Les grands maitres et leur pratique équestre ... Véronique de Saint Vaulry

Véronique de Saint Vaulry


Motiver son cheval pour 

qu'il participe et soit sûr

Le cavalier est le patron
Le cheval doit être motivé
Les difficultés se surmontent par apprentissage
 
 

Bibliographie 

  1. Communiquer avec son cheval (1995)
  2. Le cheval d'extérieur l'éduquer, le dresser
Même si on ne lui reconnaît pas toujours une grande intelligence, une chose est sûre: le cheval est doué de volonté. Et quand nos exigences lui paraissent trop étranges, il cherche à nous imposer des solutions plus conformes à sa propre logique, à son propre bien-être: il coupe les coins ou ralentit (politique du moindre effort), il refuse de quitter le groupe, de traverser une rivière (instinct de survie), il cherche à brouter... Nous voilà bien loin du centaure ! Pour le cavalier au coeur tendre, il paraît logique de tenir compte de l'avis de sa monture, et de lui céder parfois, pour éviter les conflits. Après tout, l'équitation devrait être aussi un plaisir pour le cheval ! Pour commencer, on se débarrasse des éperons et de la cravache -qu'on laisse aux brutes sadiques et assoiffées de sang.
     

Le piège de l'option douceur

On permet au cheval de brouter à l'occasion (c'est si bon et tellement naturel...), on lui laisse choisir sa place préférée dans le groupe, on s'abstient de le séparer de la jument baie qu'il aime tant, on évite certains mouvements qu'il déteste, on renonce à sauter les fossés ou les oxers bleus, qui le terrorisent...

Malheureusement, au lieu de rendre les rapports plus faciles, cette attitude conciliante risque de les envenimer. Car le cheval constate que lorsqu'il a vraiment envie de quelque chose, il l'obtient...  il se met à faire des caprices, de plus en plus de caprices, comme un enfant gâté. 

On ne compte plus les chevaux devenus difficiles, et finalement revendus, parce qu'ils étaient tombés sur un propriétaire trop gentil !
 

Quant au refus d'utiliser la cravache ou les éperons, sous prétexte de douceur, il aboutit également a un paradoxe.   Quand sa monture, par paresse,  fatigue ou inattention, néglige de répondre aux jambes, le cavalier, "désarmé", n'a d'autre solution que de renouveler, renforcer, intensifier ses actions de jambes 

C'est sûr, il finira par tambouriner dans les flancs de son cheval à grands coups de talons, lui qui prônait pourtant la douceur. Voilà ce qu'on risque, Si on laisse le cheval constater qu'on n'a pas les moyens de se faire obéir.

Céder a ses désirs, c'est l'encourager à affirmer sa personnalité, à imposer ses décisions et, finalement, à rejeter les indications du cavalier. La vraie douceur n'est pas là. Pour éviter les conflits, il faut l'obéissance, c'est souvent une simple question de moyens. Mettre un cheval à la longe dans un espace ouvert, sans chambrière, en licol, est le plus sûr moyen de l'inciter à la rétivité, et de le retrouver acculé en bout de longe. Alors qu'avec une clôture, un caveçon, et l'indispensable chambrière, il apprendrait rapidement à tourner comme une horloge.  Il faut persuader sa monture qu'elle trouvera son confort que dans la recherche de satisfactions immédiates, mais dans l'obéissance.  En convaincre le cheval n'est pas si difficile. Il suffit de lui montrer que son cavalier n'est pas du genre à changer d'avis.

Des règles claires


D'abord, ne jamais renoncer:
Ni à l'attraper quand il fait le grand fou depuis un quart d'heure dans le pré; ni à curer le postérieur droit qui semble pourtant vissé au sol ; ni à franchir cette vilaine barre bleu et vert; ni à aller jusqu'au fond du manège où s'agitent manifestement une meute de fantômes...

Ensuite, définir des règles claires et permanentes, puisque pour un cheval, ce qui est permis le lundi doit l'être également le mardi, le mercredi, et toute l'année... Il vaut donc mieux bien peser le pour et le contre avant d'accorder une permission, surtout une permission agréable, comme brouter sous la selle... Les interdits seront eux aussi mûrement réfléchis parce qu'il faudra ensuite les faire appliquer définitivement L'immobilité au montoir en est un bon exemple Si on laisse le cheval bouger de temps en temps, il finira par faire systématiquement, pour abréger ce moment.

Mais si, au contraire on y veille à chaque montoir, il ne sera rapidement plus necessaire d'ajuster les rênes, car lale, toujours valable et toujours appliquée, aura été adoptée.
 
 

Eviter l'inconstance 


La pire erreur consiste donc à avoir  des exigences variables suivant l'heure ou l'humeur. A laisser le cheval prendre le trot lui-même  pendant son échauffement, parce que "il y tombe bien", et à protester ensuite durement s'il prend  le trot pendant un allongement du pas. Comment pourrait-il s'y retrouver? Si le cavalier change ainsi sans préavis, que "le règlement" n'est pas le même chaque jour, sa monture va se mettre à tenter sa chance, repérer ....ses faiblesses, prendre de mauvais plis... C'est un peu le principe des vases communicants: moins le cavalier est volontaire, plus le cheval le devient, et vice-versa. Il ne s'agit pas d'exiger soudain une chose difficile, et de l'obtenir au prix d'un combat sans merci, mais au contraire d'être ferme sur les points de détails. 

"Aller là où le cavalier l'a demandé ne pas changer d'allure sans en avoir reçu la demande." 

Voilà les deux règles majeures à faire appliquer, tranquillement, rigoureusement, dés le débourrage. C'est peu de choses, apparemment, et pourtant... Rester au pas alors que le reste du groupe s'éloigne au galop, trotter sur une bâche, sauter un oxer d' 1, 50 m, ou ralentir le galop à l'extrême, autant d'exercices difficiles qui pourront ensuite s'appuyer sur ces deux règles...

Vous vous dites sans doute qu'il y a des cas où renoncer est la seule solution. Quand le cavalier n'a pas les compétences nécessaires pour imposer sa volonté, quand c'est trop difficile pour le cheval, quand on a pas le temps...
 
 

Prévoir avant de voir

Dans ces cas-là, au lieu d'essayer "pour voir", il vaut mieux prévoir, et éviter les missions impossibles. Prévoir que le cheval va prendre le galop pour imiter le reste du groupe, et lui en faire la demande, juste à temps, au lieu  d'essayer en pure perte de le retenir. Prévoir que vous n'aurez ni le temps, ni les moyens de l'obliger à traverser cette rivière tumultueuse   et remettre cette difficulté  à plus tard. 
 
 
Essayer quand même, se bagarrer, puis renoncer est la pire des erreurs. Soit on contourne la difficulté, soit on va jusqu'au bout. D'où l'importance d'une progression réfléchie, qui propose au cheval des exercices à sa portée, en n'introduisant les nouveautés qu' au compte-gouttes. Alors, réfléchissez avant.

Bien sûr, chaque nouveauté comporte sa part de risque, et on n'est jamais totalement à l'abri d'un échec, à moins d'abandonner l'idée de faire progresser sa monture. Si celle-ci refuse tout net malgré vos efforts, essayez de sauver l'honneur : réduisez un peu la hauteur de l'oxer, faites-lui mettre ne serait-ce qu' un pied dans l'eau, ou sur la passerelle redoutée... Et dès la prochaine séance, revenez sur la question, en essayant de trouver une manière moins inquiétante de présenter la difficulté, décomposer la difficulté par exemple commencez par des barres au sol, puis des cavaletti, puis progressivement des oxers,  habituer le cheval à l'eau, à une planche, un passage étroit avant de demander le franchissement d'un pont.  Gardez à la l'esprit que tout ce qui est nouveau est perçu comme effrayant et dangereux par le cheval et que le cavalier doit le motiver à surmonter sa peur. 

La motivation est psychologique pas une contrainte physique


Passant par le biais des aides, les rapports entre le cavalier sa monture peuvent sembler purement physiques. Mais ce n'est qu' 'une impression : c'est d'abord sur la "disponibilité" mentale du cheval que repose la communication. son attention et sa bonne volonté' doit être un souci permanent du cavalier.

 
Comme tout sportif, le cavalier doit apprendre à maîtriser une série de gestes techniques. Mais il n a pas en face de lui un simple accessoire : le cheval est un être vivant, pas une raquette ou une moto. Ainsi, une même aide peut produire chez lui des effets différents, parfois diamétralement opposés, selon son état d'esprit:
excitation, instinct grégaire, lassitude, effroi...

Par exemple, une pression de jambes destinée à le mettre au pas peut rester sans effet s'il somnole, déclencher le trot s'il est excité, provoquer un reculer ou un demi-tour s'il a vu quelque chose d'effrayant... Le cavalier doit donc apprendre à adapter ses aides à la réceptivité de sa monture.

Mais il doit aussi s'efforcer d'obtenir de son partenaire une disponibilité mentale qui rendra ses réponses plus fiables et plus régulières. En effet, pour obéir fidèlement, le cheval n'abdique pas toute volonté, toute intelligence: il les met simplement au service de son cavalier. C'est lorsque l'attention se perd, suite à une frayeur, une difficulté physique, un manque d'intérêt, que "le courant ne passe plus", et que le cavalier en est réduit à recourir à la contrainte et à la surenchère des aides...

Celui qui sait capter l'attention et la bonne volonté de son cheval s'assure donc des résultats plus faciles et plus régulier aura le plaisir de travailler avec son cheval et non contre lui

Beaucoup de cavaliers se contentent de réclamer l'attention de leur monture pendant travail, estimant qu'elle n'est pas nécessaire à pied, lors du pansage, à la détente, ou même en balade. Mais les règles les plus faciles à faire appliquer sont les règles permanentes. Il est beaucoup plus sage d'habituer le cheval à rester attentif à son cavalier aussi longtemps que celui-ci est en sa présence; c'est-à-dire dés son arrivée, et jusqu'à son départ. Bien sûr, la vie en box ne facilite pas les choses: le cheval se laisse facilement distraire lorsqu'enfin il met le nez dehors. 

Il est alors d'autant plus important de capter malgré tout son attention. Sinon,  il apprendrait qu'il peut négliger votre présence, hennissant, sursautant, scrutant les alentours... Le cheval qui appelle ses congénères. en présence de son cavalier, signale clairement son manque d'attention.  Il faut alors lui proposer une série de petits exercices simples et variés, et récompenser un peu plus que de coutume, pour recentrer son intérêt.  Dés la détente, soyez inventif il faut savoir  mettre à profit les occasions de varier le travail et de quitter la piste sur une heureuse impression.. enjamber une barrière qui traîne, décrire de larges courbes autour des  obstacles qui parsèment la carrière... 

 
Mais soyez humain: offrez lui un espace de liberté quotidien, en dehors de votre présence, pour qu'il puisse assouvir sa curiosité, son besoin de contact et de mouvement. Sa disponibilité en sera, bien sûr, grandement facilitée.
 

 Capter l'attention

Un cheval attentif n'est pas insensible à ce qui l'entoure: il faut qu'il place simplement le cavalier au premier plan de ses préoccupations; il "garde une oreille sur lui"... L'effort n'a rien d'excessif; c'est une simple disposition d'esprit, qu'on a tout intérêt à lui inculquer dès sa jeunesse . Vous vous demandez sans doute par quel miracle on capte cette fameuse attention... Tout simplement en  la sollicitant, aussi souvent que nécessaire soit en donnant au cheval quelque chose qu'il apprécie, brossage, caresse, grattage, soit en lui demandant quelque chose. S'il s'agite au pansage, hennit vers ses congénères, se tourne et se retourne, demandez lui de déplacer les hanches, de donner plusieurs fois le même pied (ah! quelle surprise)... A la détente, cessez de tourner sur la piste, décrivez des figures connues ou inédites, enjambez la barre qui traîne, emmenez-le flairer le pot de fleur qui l'inquiète.
Ce doit être une attitude permanente: quand son attention vous échappe, hop, un petit exercice pour la "rattraper". Autant concevoir la séance de manière à ne jamais lasser son intérêt. Il ne s'agit pas, bien sûr, de dérouler tout le répertoire des connaissances du cheval en quelques minutes; mais Si l'on travaille au trot, penser à demander quelques foulées d'accélération, une descente d'encolure, à soigner le passage des coins, à doubler sur la diagonale, au lieu d'aligner d'interminables tours de manège.

Les commentaires vocaux et les récompenses qui les concrétisent jouent un rôle essentiel dans le maintien de l'intérêt. Chaque félicitations, chaque protestation, recentrent l'attention du cheval sur ce qu'il est en train de faire, et il devient possible de poursuivre plus longtemps un même exercice sans risquer la lassitude.

A la fois récompenses et soupapes de sécurité, les pauses rênes abandonnées devraient jalonner le travail. Mieux vaut accorder dix ou quinze pauses de vingt secondes chacune, plutôt qu'un long répit de cinq minutes en milieu de séance.

Pour que ces demandes fréquentes aient un effet sur l'attention, il faut évidemment veiller à leur exécution-  Si le cheval s'aperçoit qu'il peut laisser certains ordres sans réponse, ou différer l'exécution, il se laissera guider par la loi du moindre effort, négligera les aides, et se désintéressera de son interlocuteur

Incarner la loi

Rien de tel que les responsabilités pour intéresser le cheval à son travail. Au lieu de veiller à tout et d'agir sans cesse, expliquez-lui la règle du jeu, et faites taire vos aides. Rester sur la piste ou le bas-côté, tenir l'arrêt, maintenir une allure, une attitude, voilà des contrats simples qu'il prendra volontiers en charge.

Chaque cavalier doit se connaître suffisamment, pour avoir envers sa monture des exigences proportionnées au niveau du couple: ne pas exiger  l'impossible,  mais prendre conscience de  chaque demande même minime, ordre vocal,  pression de jambes pour veiller à son  exécution Cette permanence des règles n'est pas difficile à établir mais réclame une attention soutenue de la part du cavalier ce qui n'est que justice  Trop souvent le cheval n'est qu'un simple exécutant, dont les mouvements et l'attitude sont gérés, contrôlés, rectifiés à  tout instant.   Son intelligence n'étant pas mobilisée par le travail le cheval risque de s'en servir pour échapper à cette contrainte que représente le cavalier

La solution consiste à lui confier des responsabilités. Par exemple, au lieu d'entretenir le galop à chaque foulée, on le  déclenche, on laisse faire, et on n'intervient qu'en cas de dégradation réelle. C'est un contrat que le cheval comprend rapidement, et qu'il assume volontiers. Les cavaliers western excellent dans ce domaine, puisqu'ils laissent une totale liberté à leurs che-vaux tant que le mouvement donne satisfaction. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que leurs montures s'intéressent à leur tâche et savent se concentrer.

Le travail à la voix responsabilise également le cheval, puisqu'il lui donne la possibilité d'obéir sans attendre une intervention des aides. C'est par lui qu'il faut commencer lorsqu'on se heurte à l'indifférence d'un cheval blasé par de trop nombreux changements de cavalier, par un travail répétitif et routinier...

C'est justement lors des apprentissages (ordre vocal, mouvement nouveau...) qu'on peut le mieux mobiliser l'intelligence d'un cheval et l'intéresser, à condition de se mettre à sa portée, en utilisant par exemple la répétition et les points de repère, L'idéal serait d'avoir toujours une petite nouveauté "en chantier", pour que chaque séance exerce les facultés de compréhension du chevaL.. et lui donne des occasions d'être récompensé.

Des besoins silencieux


Le cheval ne s'exprime guère, et il est difficile de déceler les petits maux physiques qui viennent perturber son écoute. Ainsi, di la sueur le démange, di l'attitude qu'on lui impose l'incommode, il aura de plus en plus de mal à se concentrer, et le cavalier verra le travail se détériorer, sans raison apparente. Pour éviter ces perturbations, le remède est simple : ménager des pauses, à l'arrêt ou au pas, rênes abandonnées, pauses qui sont aussi; nous l'avons vu, un moyen de récompenser. Le cheval pourra étirer l'encolure sans crainte de la main, souffler un peu, s'ébrouer, se gratter la tête contre un antérieur. L'important n'est pas la durée mais la fréquence de ces récréations, qui viennent jalonner la séance, et consti-tuent une vraie assurance de concentration... Si votre cheval n'y a jamais eu droit (cas hélas fréquent), il cherchera à aller se planter au milieu, les premières fois, persuadé que vous allez mettre pied à terre! Mais rapidement, il apprendra à profiter de sa "récré" sachant que le travail va reprendre  

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Bibliographie 
  1. Communiquer avec son cheval (1995)
  2. Le cheval d'extérieur l'éduquer, le dresser
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