Les grands maitres et leur pratique équestre .. Danielle Gossin : Playdoyer pour une compréhension de l'intelligence du cheval.....

Danielle Gossin

 
 
 

Playdoyer pour une compréhension de l'intelligence du cheval...

Le cheval : un sous éduqué ou un robot

Comme toutes les espèces vivantes l'espèce équine ne doit sa survie que grâce à des adaptions à son environnement et une faculté à appréhender celui-ci de façon à l'exploiter.  Hors le cheval à l'état naturel est un grand herbivore, une proie importante potentiellement toujours à la merci de prédateurs.  L'observation de groupes de chevaux conduit aussi à l'observation de relation sociales et de communication entre membre de ces groupes.  Nous avons donc un être doté de tout l'"appareillage" necéssaire pour developper une forme d'intelligence.

 

Pourquoi le cavalier le perçoit il comme bête?

L'intelligence ne peut se développer que si elle reçoit des informations et peut s'exercer.  Hors maintenu en box le cheval reçoit peu d'expérience et une fois au "travail" son cavalier ne lui demande qu'une obéissance de robot.  Placé dans les mêmes conditions un enfant ne recevrait que quelques minutes d'attention par jours et n'arriverait jamais à se developper.

Or anatomiquement et sociologiquement tous les éléments sont présents si le cavalier décide de les utiliser au profit de sa monture.  Les test d'intelligence se fondent essentiellement sur la reconnaissance d'ordres, de formes, et sur la spatialisation et la conceptualisation temporelle.  Le cheval formé est parfaitement à même de réussir des épreuves complexes avec contre expérience en aveugle.

Il est tout aussi évident que le cheval "spontanément" apprend et conceptualise.  Qui n'a jamais observer les chevaux qui "connaissent l'heure du repas", rentrent à l'écurie, quémande des récompenses, attend à la porte de son box pour sortir, ... alors qu'au naturel il pature la pluspart de son temps, fuit dès qu'il se croit acculé...  Notre domestication déjà démontre que le cheval s'éduque à la selle, au bat, à la traction,...  Un cheval totalement stupide serait inutilisable, il se jetterait contre les parois de son box, ruerait pour se libérer de son harnachement, ne penserait qu'à la fuite ou à l'alimentation...

L'essentiel du problème est celui de l'interprétation de réponses comportementales pour séparer  "l'inné de l'acquis" et le "fortuit du logiquement développé" et en n'oubliant pas la nature fondamentalement différente l'espèce équine et humaine.
Chez l'un comme chez l'autre le cerveau a la naissance est imature, les inombrales connexions nerveuses vont s'établir suivant les sollicitations et les apprentissages.  Le cerveau du cheval très plissé et inervé place le cheval parmi les mamifères évolués toutefois les aires sont différentes de chez l'homme de même que les aptitudes de réponse, il faut donc concevoir l'intelligence sous une autre forme et élaborer des stratégies scientifiques pour sa mesure et son developpement.  Il est tout aussi évident que le développement que l'homme souhaite est antinaturel au possible puisque le cheval n'a nullement besoin de comprendre l'homme, il est parfaitement à même de survivre sans cela, ce que l'homme souhaite c'est que le cheval adopte la forme d'intelligence humaine et fonctionne comme un être humain.  Cela peut être possible dans une certaine mesure mais necessite un apprentissage.

La réussite d'un apprentissage dépend de plusieurs facteurs dont :
- le stade maximum que l'espèce biologique peut attteindre 
- des connexions possibles et du developpement des organes sensoriels et du syteme nerveux
- des particularité propres à chaque individu au sein de l'espèce.
- de la stimulation positive ou négative durant les phases d'apprentissage
ici le rôle de "l'éducateur" est capital.  un "éducateur" maladroit dans ses demandes et réponses peut parfaitement "bloquer" tout processus d'apprentissage alors qu'une autre méthode avec le même sujet peut donner des résultats dépassant toutes les espérences.
 

Instinct ou intelligence ?

Les deux ! si un acte est instinctif sa mise en oeuvre demande l'élaboration d'une stratégie, et cela requiert une intelligence.  Il est très difficile en fait de distinguer les deux, de plus le cheval apprend essentiellement au début par imitation avant d'entrendre lui même les phases "essais-erreurs".  L'homme prédateur bipéde préhensile a difficile à "comprende" une intelligence d'une proie quadrupède, ongulé, grégaire.  Chaque espèce confrontée à un problème donné apporte toujours une solution "logique" compte tenu de ses moyens.  Le développement d'une intelligence n'est pas la mémorisation de trucs ou de réponses stéréotypées, il faut qu'il y ait la reconnaissance d'un problème, un choix à effectuer, une réponse différentiée à donner et la possibilité d'exprimer librement ce choix. 
On apprend mieux par le jeu...

Un anthropomorphisme opposé porte certains à juger qu'un animal est ingelligent chaque fois qu'il semble avoir un comportement identique au nôtre. Or, par exemple, un cheval de cirque qui sait dire "Oui" et "Non" de la tête, n'est pas, en cela, plus intelligent qu'un autre puisqu'il a simplement subi un conditionnement, accomplimant ces gestes sans en comprendre le sens à partir d'un stimulus simple (signe ou parole du dresseur). 

Parfois même l' "intelligence" n'est pas là où l'homme la suppose, l'exemple du cheval "mathématicien" est à ce égard révélatrice.  Le cheval était supposé connaître l'arithmétique et à même d'effectuer des additions.  son instructeur lui avait appris à frapper du sabot pour "dire le résultat".  En fait quand on a refait l'exercice en dissumulant le cheval et les observateurs chacun derrière un écran le chval a continuer du sabot jusqu'à ce qu'on l'arrête.  Il a été ensuite montré que la tension décellable sur les visages humains quand le cheval approchait le résultat suffisait à indiquer à celui-ci que le "résultat" (niveau de tension) était atteint, et que par conséquent il recevait sa récompense, alors que si il dépassait ce niveau de tension ( résultat faux en calcul) il ne recevrait rien.

Nous préférons quant à nous, lorsque nous enseignons de genre de chose, faire suivre le conditionnement gestuel d'un entrainement de l'animal à savoir choisir la réponse adéquate en fonction de la "question" posée : "Oui" Si on lui propose une matière comestible ou une action qui lui est agréable, "Non" dans le cas contraire. On peut juger que le cheval a compris s'il ne commet qu'un faible pourcentage d'erreurs sur un nombre important et varié de sollicitations. 
 

 

Pourquoi apprendre à un cheval à être logique ?


Nous l'avons dit, un animal qui serait totalement illogique serait inutilisable. Par ailleurs, chaque espèce semble illogique à l'espéce voisine, puisqu'elle n'a pas le même mode de vie, les mêmes buts, et les mêmes moyens de les pour-suivre. Le cheval témoigne souvent d'une logique parfaite quand il s'agit de résoudre un problème au premier degré; la logique de l'évidence, du concret et de l'immédiat. L'homme a une logique plus complexe et plus prospective. Dans la mesure où il utilise le cheval et lui confie son corps, il est amené àjui indi-quer ce qu'il souhaite. La solution d'apparente facilité est de décider qu'il n'a qu'à se soumettre sans comprendre. Mais on aboutit alors tantôt à l'abrutissement tantôt à la révolte, tantôt à leur alternance.

S'il y a révolte, ily a danger pour le cavalier; s'il y a abrutissement, le cavalier doit constamment penser et agir pour deux, et demeure à la merci d'une seconde d'inattention sans que le cheval ait le réflexe de prendre le relais pour éviter un incident ou un accident

En règle générale, c'est lorsque le cheval ne comprend pas ce qu'on lui de-mande de faire, ni pourquoi il doit le faire qu'il se montregéticent ou rebelle. Lui taper dessus ne ferait alors que lui embroussailler davantage les idées. On entend souvent dire que tel ou tel cheval comprend très bien ce qu'il doit taire, mais a également compris qu'il pouvait user d'une astuce ou de sa force pour s en abstenir. C'est fort possible. Mais de quoi l'animal s'abstient-il, Si ce n'est de ce qui lui paraît pénible et monotone? Un cheval qui s'intéresse à ce qu'il fait ne songe pas à se révolter. Mais il le fera éventuellement s'il ne comprend pas. Aux mauvaises équations:

INCOMPRÉHENSION 
+ ENNUI 
_____________________
= REVOLTE

ou

ENNUI 
+ INATTENTION 
+ INCOMPREHENSION 
_____________________
= REVOLTE

il faut substituer la bonne équation

COMPREHENSION INTERET 
+ ENTRETIEN DE L'INTERET 
_________________________
=  BONNE VOLONTE
 

La compréhension est primordiale. 
Mais il ne faut pas oublier que, dans l'acte équestre il y a trois éléments:

  1. l'homme, 
  2. le cheval 
  3. et le travail, 


et que l'exécutant - c'est-à-dire le cheval -doit être en bons rapports tant avec son cavalier qu'avec son travail, et c'est au cavalier d'y veiller.
 

 

Jusqu où l'intelligence peut-elle aller ?


Pour simplifier, disons que raisonner juste c'est établir un lien logique entre deux ou plusieurs éléments. Par exemple, le cheval sent qu'il donne, en marchant, un coup de pied dans un caillou, puis entend le choc du caillou contre le pare-botte. Si son intelligence n'est pas développée, il prend peur du bruit parce qu'il n'a pas établi le lien logique de cause à effet entre sa sensation tactile (sabot heurtant le caillou) et sa sensation auditive. En fait, son cerveau contient, en puissanoe, la faculté de relier une information sensorielle à une autre, même si elles émanent de deux organes sensoriels différents.

Quand on commence l'éducation d'un cheval, il faut donc saisir ou provoquer l'occasion de lui faire acquérir tous les raisonnements de base : cause, conséquence, identité, opposition, taille, quantité, condition etc. dans des situations simples (d'abord à partir de 2 éléments) et toujours très concrètes et évidentes.

Au fur et à mesure que le cheval progresse, on lui présentera des situations comportant trois éléments, puis des situations complexes. Il ne faut jamais punir durant ces exercices, mais simplement dire "Non" et replacer le cheval devant le problème à résoudre. Celui-ci devra toujours être à SA portée. La solution ne doit être ni trop difficile ni trop longue à trouver, et toute réussite doit être récompensée pour faciliter la mémorisation. Il n'y a aucune raison de l'habituer à utiliser ses muscles et pas son cerveau. Présentés sous forme de jeu, ces exercices seront plus appréciés et lui donneront le goût et le réflexe de ne pas agir sans réfléchir. Du même coup, son attention sera plus constamment en éveil. Progressivement, vous le verrez prendre des initiatives intelligentes qui prouveront qu'il participe au travail
 

 

Toujours plus évolué

Nous pouvons simplement indiquer les étapes importantes que le cheval peut franchir et qui sont considérées, en psychologie comme des critères d'intellligence assez évoluée, tels la feinte, la stratégie du détour, et le transfert de tâche.

La feinte : C'est une démarche destinée à tromper l'adversaire. Pourquoi est-ce une preuve d'intelligence? Parce que c'est une opération mentale complexe: il faut, en fonction de ce que l'on désire faire, concevoir une autre action "psychologique" susceptible d'amener l'adversaire à commettre une erreur de tactique. 

Exemple J'appelle une jument qui vient vers la barrière. Tandis que je m'apprête à l'ouvrir, les autres chevaux acourrent pressés de retrouver leur mangeoire -Quand ils sont tous là, la jument fait mine de se sauver à toutes jambes et ces congénères qui pensent qu'elle a aperçu un danger  s'enfuient.  Dès qu'ils sont assez éloignés, elle fait volte-face et revient prestement vers la barrière, que j'ouvre et qu'elle franchit on toute tranquillité. Là-bas, les autres chevaux commencent à s'arrêter, perplexes ou conscients de s'être fait "avoir"
 

Le détour: Spontanément, l'animal poursuit un but en marchant droit dans sa direction. A un stade primaire, s'il rencontre un obstacle infranchissable sur cette trajectoire, il s'arrête et l'idée ne lui vient pas de tourner le dos au but pour y parvenir de façon indirecte; même s'il s'agit de nourriture et s'il est affamé, il mej parfois de longues heures à trouver la solution, aprés attente, essais, erreurs.

Le cheval peut être entraîné à réfléchir aux problèmes de détour dans la vie quotidienne, en extérieur, dans les jeux collectifs.

Le transfert de tâche : C'est une démarche qui consiste à se sortir d'une situation inédite soit en utilisant ce qu'on a appris dans une situation complètement différente, soit on faisant exactement le contraire parce que la situation nouvelle est l'image inversée de la situation précédemment vécue. Etre intelligent c'est pouvoir s'adapter, et cette opération prouve une grande faculté d'adaptation, ainsi que des qualités d'analyse et de synthèse.
 

Nous en avons déjà donné un exemple:  celui de l'animal qui applique l'allongement au trot dès qu'il sent qu'un exercice a réduit l'impulsion. Nous pourrions  encore citer celui qui, sans qu'on le lui demande, aime exécuter symétriquement (donc en inversant ses gestes) toute figure nouvelle apprise sur le grand côté opposé.

Physiquement, le travail de dressage quotidien, comme le franchissement alterné d'obstacles larges et droits, constituent un entraînement au transfert, surtout si on laisse beaucoup d'initiative au cheval au lieu de le guider pas à pas. Mais leur champ demeure limité sur le plan du raisonnement La pratique du terrain varié rênes longues est plus profitable.
 
 

 
En conclusion, nous pourrions dire qu'il nous a toujours paru infiniment plus agréable de monter des chevaux dont on avait développé l'intelligence, et avec lesquels on obtient des résultats plus rapides parce qu'ils comprennent plus vite où l'on veut on venir. Il est au contraire beaucoup plus délicat, hasardeux et même dangereux de monter des animaux stupides. Quant à la monture "bête et disciplinée", elle est désespérément terne; on la trouve dans des écuries où les chevaux sont bien traités, où on n'en abuse pas, mais où on les sou-met à une certaine routine; ils font leur travail en rêvassant, en pensant à autre chose. En se disant peut-être qu'ils seraient aussi bien dans leur box à grignoter de la paille... Peut-être leurs propriétaires manquent-ils d'imagination ?

Si l'on trouve qu'il est parfois difficile de concevoir régulièrement des exercices progressifs de l'intelligence, on peut au moins essayer d'appliquer quelques principes simples:
- la variété dans le travail
- des promenades fréquentes (rênes longues notamment)
- des jeux collectifs
- et surtout des jeux en liberté avec le cavalier
- enfin, et c'est le plus important, multiplier les expériences du cheval, et ne pas résoudre les problèmes simples à sa place.

Ajoutons aussi que, Si on en a le temps, scinder l'heure de travail en cinq ou six fractions journalières constitue un entraînement beaucoup plus continu et profitable de l'intelligence du cheval. Songez à ce que serait la vôtre Si vous ne l'aviez fait fonctionner qu'une heure par jour depuis votre naissance... i

Pour favoriser le travail des aires associatives du cerveau, il faut également s'adresser à tous les sens. Le travail en liberté permet de parler au cheval, de lui transmettre ses ordres par gestes, par des positions diverses de la chambrière, etc. On peut apprendre au cheval à exécuter le même mouvement on lui donnant deux énoncés différents. On peut ensuite parvenir à donner à la fois deux ordres à exécuter l'un après l'autre ("Demi-volte et au trot on arrivant sur la piste"). 

De nombreux test ont démontré que le cheval est parfaitement à même de comprendre les commandes vocales 

 Danièle Gossin

 
 

web site en bibliography

Aptitudes mentales du cheval de Danièle Gossin. Relié (1997)
Parler au cheval et être compris de Danièle Gossin. Broché 1996
Psychologie et comportement du cheval de Danièle Gossin. Relié (1999)
Psychologie et comportement du cheval, 2ème édition de D. Gossin.
 
  d'autres info sur la partie Horsemanship du site