Les grands maitres et leur pratique équestre ....

L'auteur du Nouveau Cavendish :

Bourgelat fondateur des sciences vétérinaires

et propagateur des techniques nouvelles

avec le Traité de Cavalerie

Bourgelat 1712-1779 fut écuyer et vétérinaire, avocat et mousquetaire.
Il quitte sa carrière d'avocat, ayant gagné une cause qu'il estime injuste. 

Il est nommé en 1740 à la tête de l'Académie d'équitation de Lyon, dont la réputation franchit les frontières sous sa direction

Bourgelat est considéré comme le fondateur  de la médecine vétérinaire scientifique

 
Attention l'ouvrage : ."Le Nouveau Newcastle ou nouveau traité de cavalerie" est d'un français Bourgelat qui fut le fondateur des sciences vétérinaires...n'a rien à voir avec William Cavendish, the 1st Duke of Newcastle bien que son enseignement soit proche

Methode & cours

En 1757 il est nommé contrôleur général des Haras.Bourgelat publie dès 1761 "l'Art vétérinaire", alors qu'il vient d'assumer la direction de  l'Ecole vétérinaire de Lyon  nouvellement fondée.

Son ouvrage se heurte au conservatisme des maréchaux ferrants encore en corporation.  Excédé par leur obscurantisme, moins de deux années après avoir créé l'Ecole vétérinaire de Lyon (1763), Claude Bourgelat, écuyer du roi Louis XV, demanda à Bertin, Contrôleur Général des Finances, la création d'un nouveau centre d'enseignement à Paris et obtient l'accord de celui-ci ainsi que le maintien des structures équestres à Lyons.

A cet effet, dès 1765 Bourgelat fit venir de Lyon l'anatomiste Honoré Fragonard, le clinicien Philibert Chabert et quelques-uns des ses meilleurs élèves et les installa à Paris dans une maison située à proximité du boulevard de la Chapelle. Mais l'exiguïté des locaux, le coût des fourrages fortement taxés aux entrées de Paris, un environnement préjudiciable à la moralité des étudiants, l'incitèrent à choisir une autre implantation. 

Le choix se porta sur le Château d'Alfort, propriété du Baron de Bormes, plus propice avec ses prairies et ses terres labourables, à l'éducation rurale des élèves. L'acte de vente était signé le 27 décembre 1765 et l'enseignement commençait en octobre 1766. 

En dépit d'avatars multiples, notamment durant l'époque révolutionnaire et récemment encore, l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort est demeurée sur son lieu de création. A ce titre, c'est la plus ancienne Ecole Vétérinaire au monde, toujours établie sur son site de fondation. 

Créée à l'âge d'or de l'équitation, dans le soucis de préserver et d'améliorer l'espèce chevaline dont l'importance économique, sociale et stratégique était à son apogée, l'Ecole vétérinaire d'Alfort répondait aussi au besoin de protéger le bétail régulièrement ravagé dans les campagnes par de terribles épizooties. Servie par son environnement universitaire, scientifique et économique, elle a continué à développer ses mission de formation et de recherche en accompagnant les évolutions et les progrès de la connaissance dans tous les domaines du vivant. (elle existe toujours est est en pleine activité http://www.vet-alfort.fr/)
 

Bourgelat publie "L'ECOLE Royale vétérinaire" en 1770, Règlement pour les Ecoles vétérinaires. 

Bourgelat  a une renommée internationale, ainsi Frédéric II de Prusse lui demande ses avis et d'Alembert lui confie la rédaction pour l'Encyclopédie de Diderot des rubriques intéressant le cheval. Buffon fait référence à ses travaux pour la partie anatomie et soins de son traité sur le cheval et  Voltaire l'admire pour sa "modestie éclairée".

"Le Nouveau Newcastle ou nouveau traité de cavalerie", (publié sans nom d'auteur), est un traité qui contient des principes clairs et sains d'équitation et de dressage, selon une synthèse qui pourrait préfigurer un Baucher première manière et Cavendish.

Claude Bourgelat


LE NOUVEAU NEWCASTLE
ou
NOUVEAU TRAITÉ
DE
CAVALERIE

geométrique, théorique
& pratique
(Extraits)

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CHAPITRE PREMIER  De l'assiette de l'homme de cheval 
CHAPITRE II  De la main et de ses effets 
....
CHAPITRE IV  Du trot
CHAPITRE V  De l'arrêt ou du parer 
CHAPITRE VI  Du reculer
CHAPITRE VII  De l' ensemble ou de l'union 
....
CHAPITRE XI  De la tête et de la croupe au mur
CHAPITRE XII Des changements de main larges et étroits Des voltes et des demi-voltes
CHAPITRE XIII  Des aides du corps et des aides secrètes pour corriger les défauts de la monte

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CHAPITRE PREMIER  De l'assiette de l'homme de cheval 

(…)
Le corps de l'Homme de cheval se divise en trois parties, dont deux mobiles et une immobile.
La première des mobiles est le tronc ou le corps, jusques au défaut de la ceinture - la seconde est depuis les genoux jusques au
x pieds, en sorte que l'immobile est depuis le défaut de la ceinture jusques aux genoux.
Les parties qui ne doivent jamais mouvoir sont donc, et la fourchure et les cuisses du cavalier; or, pour que ces parties ne se meuvent point, il faut leur donner un point d'appui fixe et assuré, qu'aucun mouvement du cheval ne puisse faire perdre ; ce point d'appui est la base de la tenue du cavalier, et c'est ce que nous appelons l'assiette de l'Homme de cheval ; or, si l'assiette n'est autre chose que ce point d'appui, c'est conséquemment de la position des parties immobiles que dépend, non seulement la beauté, mais encore la proportion juste et symétrisée de l'attitude entière.

Que le cavalier se mette d'abord sur la fourchure, occupant directement le milieu du siège de la selle, qu'il étaye par un appui médiocre sur ses fesses cette position dans laquelle la fourchure seule paraît soutenir tout le poids de son corps, que ses cuisses soient tournées sur leur plat, que pour cet effet le tour des cuisses parte de la hanche, et que le poids seul de ses cuisses et de son corps soit l'unique degré de force qu'il emploie pour sa tenue, voilà le point certain d'équilibre, voilà la stabilité de l'édifice entier, stabilité dont on ne trouve point la réalité dans les commencements, mais que l'on acquiert insensiblement par l'exercice et par la pratique.

Je ne demande qu'un médiocre appui sur les fesses parce qu'un cavalier assis ne saurait avoir les cuisses tournées sur leur plat ; je veux que les cuisses soient tournées sur leur plat parce que, le gras de la cuisse étant, insensible, le cavalier ne pourrait sentir les mouvements de son cheval , j'exige que le tour de la cuisse parte de la hanche parce que ce tour ne peut être naturel qu' autant qu'il procède de l'emboîtement de l'os ; je soutiens enfin que l'homme de cheval ne doit point mettre de force dans ses cuisses parce qu' outre qu'elles en seraient moins assurées, plus il les serrerait, plus il s'élèverait au-dessus du siège de la selle, et que la fourchure et les fesses ne doivent jamais en abandonner ni le milieu ni le fond.

Les parties immobiles solidement placées, passons à la première des mobiles, qui est, comme je l'ai déjà observé, le corps ou le tronc jusques au défaut de la ceinture.
Je comprends dans le corps ou le tronc la tête, les épaules, la poitrine, les bras, les mains, les reins et la ceinture du cavalier.

Sa tête doit être libre, ferme et aisée : elle doit être libre, pour se prêter à tous les mouvements naturels que le cavalier peut faire, en la tournant de côté ou d'autre; elle doit être ferme, c'est-à-dire droite sans être penchée à droite ou à gauche, en avant ou en arrière ; elle doit être aisée, parce que si la fermeté produisait la raideur, toutes les parties du tronc, et spécialement l'épine du dos, s'en ressentiraient et seraient contraintes et gênées.
Les épaules seules dirigent par leur mouvement celui de la poitrine, des reins et de la ceinture. Le cavalier doit présenter sa poitrine par là, son attitude se développe ; il doit faire un pli léger dans les reins, et avancer sa ceinture près du pommeau, parce que cette position l'unit aux mouvements du cheval ; or le port seul des épaules en arrière opère tous ces effets, et les opère précisément dans le degré où il faut, au lieu que, si l'on cherche séparément l'attitude particulière de ces différentes parties, sans examiner la connexité qu'il y a des mouvements de l'une aux mouvements des autres, il en résultera un pli si considérable dans les reins que le cavalier sera, pour ainsi dire, ensellé ; et comme, dès lors, il forcera sa poitrine en avant et sa ceinture au pommeau, il se trouvera totalement couché et renversé sur la croupe.
Quant aux bras, il faut qu'ils soient pliés au coude, et que les coudes reposent également sur les hanches ; les bras étendus tiendraient en effet les mains du cavalier, ou infiniment trop basses, ou infiniment trop éloignées de son corps, et des coudes qui n'auraient aucun appui varieraient sans cesse et donneraient conséquemment à la main une incertitude et une irrésolution capables de la falsifier à jamais.

Il est vrai que la main de la bride paraît d'abord être celle qui doit être nécessairement assurée, et que l'on pourrait conclure de là que le coude gauche seul doit reposer sur les hanches ; mais la grâce consiste dans la symétrie des parties du tronc ; un coude toujours en l'air d'un côté, et un coude arrêté de l'autre, présenteraient un spectacle désagréable.
C'est aussi ce qui me détermine pour la position de la main de la gaule. La main gauche étant à la hauteur du coude, de façon que l'os du petit doigt et le petit os du coude soient sur une ligne droite, cette main, ni trop ni trop peu arrondie, mais contournée de manière que le poignet  seul en dirige l'action, placez la main de la gaule plus bas et plus en avant que l'autre. je veux que son attitude soit plus basse, parce que, de niveau à la main de la bride, elle la gênerait dans ses mouvements, et si j'exige que sa situation soit plus avancée, c'est que, ne pouvant faire un aussi grand tour que la main gauche, qui doit être vis-à-vis le milieu du corps du cavalier, il faut que, pour la symétrie des coudes, celle-ci soit incontestablement plus basse.

Les jambes et les pieds forment ce que j'ai appelé la seconde des parties mobiles.

Les jambes ont deux usages. Elles servent à aider et à châtier l'animal. Elles doivent donc être près du corps du cheval, et sur la ligne du corps du cavalier, parce qu' étant dès lors près de la partie sensible, elles peuvent s'acquitter à temps de leurs fonctions. De plus, comme elles sont une dépendance de la cuisse, si la cuisse est sur son plat, elles auront, par une conséquence nécessaire. le tour qu'elles doivent avoir, et elles communiqueront infailliblement ce tour aux pieds, parce que les pieds dépendent d'elles.

La pointe des pieds sera un peu plus élevée que le talon ; plus la pointe des pieds est basse, plus le talon se rapproche du corps du cheval, et dès lors il est dans le ventre ; observez néanmoins que presque tous les cavaliers, pour relever la pointe, faussent et estropient la cheville. D'où provient ce défaut ? La raison en est simple : c'est qu'ils emploient à cet effet la force des muscles de leurs cuisses et de leurs jambes, tandis qu'ils ne devraient se servir que de la seule articulation du cou de pied, articulation que la nature nous a donnée pour en faciliter les mouvements et pour les déterminer à droite et à gauche, en haut et en bas.
Tel est, en peu de mots, l'arrangement mécanique de toutes les parties du corps de l'Homme de cheval. Je ne m'étendrai pas davantage sur une matière traitée amplement par tous les auteurs en cavalerie ; il est inutile d'écrire ce qui est écrit; je n'ai eu, dans ce chapitre, que le dessein de donner une idée de la correspondance qu'il y a des parties aux autres, parce que ce n'est que par la connaissance de cette relation sympathique que l'on peut parvenir à donner cette assiette naturelle qui, dans l'Homme de cheval, est non seulement le principe de la justesse, mais encore le principe de la grâce.


 
 
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CHAPITRE II  De la main et de ses effets 


... J'entends par main ferme, celle dont le sentiment a un rapport parfait avec celui qui réside dans la bouche du cheval, ce sentiment étant dans un degré de fermeté et d' assurance qui caractérise le bon appui, que tout homme de cheval recherche toujours.
J'entends par main douce celle qui mitige le point d'appui ferme et assuré, et qui, se relâchant un peu, modifie la force du sentiment dont je viens de parler.
Enfin, J'entends par main légère celle qui diminue encore le point d'appui, modifié par la main douce.

Les qualités de la main dépendent conséquemment, en partie, de la manière de sentir plus ou moins, de rendre et de retenir.

On ne doit jamais passer tout à coup de la main ferme à la main légère, ni de la main légère à la main ferme ; ainsi, on ne peut en aucun cas, dans les mouvements de la main, franchir le point d'appui de la main douce. Passer tout d'un coup de la main ferme à la main légère, c'est abandonner totalement le cheval, c'est l'étonner, c'est manquer au liant nécessaire, c'est le précipiter sur les épaules, supposé que ce temps soit pris mal à propos. Passer subitement de la main légère à la main ferme, c'est une façade, c'est une action déréglée, capable de gâter une bonne bouche et de falsifier le meilleur appui ; il est donc indispensable d'agir toujours moelleusement, et pour agir toujours moelleusement, il faut que le poignet seul conduise et dirige tous les mouvements de la main, en la roulant, pour ainsi dire, selon l'action que l'on doit faire.
C'est conformément à ces principes qu'à la première position, J'exige que votre poignet soit assez arrondi pour que les noeuds de vos doigts soient audessus de l'encolure du cheval, et que je veux encore que le pouce soit exactement sur le plat des rênes. En effet, si votre poignet était plus arrondi que je ne le désire, ou s'il l'était moins, votre main ne pourrait agir qu'en conséquence des mouvements de votre bras, et d'ailleurs elle paraîtrait estropiée ; et en second lieu, si le pouce n'était pas sur le plat des rênes, elles couleraient continuellement dans votre main, elles perdraient l'appui en s'allongeant, et vous seriez contraint, pour le retrouver, de hausser la main et le bras à tout moment, ce qui vous jetterait dans l'embarras et vous ferait perdre la justesse sans laquelle le cheval n'obéira jamais franchement et librement.
Il est vrai que, sur des chevaux bien mis, le cavalier peut prendre des licences ; ces licences ne sont autre chose que les mouvements que nous connaissons sous le nom de descentes de main, et ces descentes de main se font de trois manières : ou en baissant totalement les ongles sur l'encolure, ou en prenant les rênes de la main droite, quatre doigts au-dessus de la main gauche, et en les laissant couler en même temps dans la main gauche et baissant la main droite sur l'encolure ; ou enfin en mettant le cheval sous le bouton, c'està-dire en prenant le bout des rênes sur l'encolure ; mais ces mouvements, qui donnent une grâce infinie au cavalier, ne doivent se faire qu'avec précaution, que dans le temps ou le cheval est parfaitement rassemblé et qu'en contrebalançant, par le moyen du corps en arrière, le poids du cheval sur les hanches.
L'appui constant et continué toujours dans le même degré de force échauffe la partie, émousse le sens du toucher, endort la barre et la rend insensible ; de là, la nécessité de l'action de rendre et de retenir. Il est encore, outre les principes que j'ai indiqués, d'autres préceptes non moins certains, mais dont la finesse et la délicatesse ne peut erre connue de toutes les mains.

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CHAPITRE IV  Du trot


... Il n'est point d'auteurs anciens et modernes qui n'aient dit que le trot est le fondement des leçons que l'on doit donner à un cheval ; il n'en est point aussi qui ne se soient contentés de donner à cet égard des principes généraux ; nul d'entre eux n'est descendu dans le détail des règles particulières et dans la distinction des cas qui souffrent des exceptions ; cas qui arrivent fréquemment par les différentes conformations et par les dispositions plus ou moins favorables des chevaux que l'on entreprend, en sorte qu'en suivant leurs maximes, on a vu plusieurs chevaux avilis, pesants et ruinés plutôt que dénoués, et qu'il est résulté de leurs principes, quoique bons, autant d'inconvénients que s'ils eussent été dictés par l'incapacité et l'ignorance.
Le trot, pour produire de bons effets, doit avoir trois qualités essentielles. Il doit être déterminé, délié et uni. Ces trois qualités nécessaires ont une dépendance absolue et participent l'une de l'autre ; on ne peut en effet passer au trot délié, sans avoir commencé par le trot détermine ; et on ne peut parvenir au trot uni sans avoir fait connaître au cheval le trot délié.

J'appelle trot déterminé celui dans lequel le cheval trotte sans se retenir, sans se traverser et par le droit ; c'est conséquemment celui par lequel on doit commencer, car avant de rien entreprendre, il faut indispensablement qu'un cheval embrasse sans peine et sans crainte le terrain qu'il découvre devant lui.

Le trot peut être déterminé sans être délié ; le cheval peut en effet se porter en avant, mais ne pas avoir en même temps ce dénouement dans les membres qui caractérise le trot délié. J'entends par mot délié celui dans lequel le Cheval, en trottant, et dans chaque mouvement de son trot, plie toutes les jointures, c'est-à-dire celles des épaules, des genoux et des pieds ; ce que ne peuvent faire les poulains à qui l'exercice n'a pas encore donné cette facilité dans le maniement de leurs membres et qui trottent au Contraire avec une raideur étonnante et sans faire montre du moindre ressort.

Le trot uni est celui dans lequel les mouvements du cheval sont tellement égaux que ses jambes n'embrassent pas plus de terrain les unes que les autres ; il faut que, dans cette action le cheval rassemble ses forces et les distribue également, pour ainsi dire.

Pour passer du trot déterminé au trot délié, il faut renfermer peu à peu le cheval, et dès qu'il aura acquis dans cet exercice la souplesse nécessaire pour manier ses membres avec liberté, vous le renfermerez insensiblement de plus en plus, et peu à peu vous le conduirez au trot uni.
Le trot est le premier exercice que l'on enseigne au cheval ; cette leçon est nécessaire mais, donnée sans jugement, elle devient fausse et préjudiciable.

Les chevaux qui ont de l'ardeur, ont une disposition trop grande au trot détermine ; ne les abandonnez pas, retenez-les, apaisez-les, modérez leurs mot]vements en les renfermant avec sagesse : leurs membres se dénoueront et ils acquerront en même temps l'union nécessaire,
Le cheval est-il pesant ? Considérez si la pesanteur ou l'engourdissement des épaules ou des jambes de l'animal, provient d'un défaut de force ou de souplesse, ou s'il naît d'un exercice défectueux, outré ou trop médiocre. Si le cheval est pesant parce que le mouvement de ses bras et de ses épaules est naturellement froid et paresseux, et si en même temps ses membres sont bons, et que sa force ne soit que nouée et retenue, pour ainsi dire, le médiocre niais le continuel exercice du trot le dégourdira, l'assouplira et lui rendra l'action des épaules et des jambes plus libre. Soutenez-le en le trottant, mais prenez garde de le retenir jusques au point de trop modérer ses mouvements ; en le soutenant, aidez-le et chassez-le en avant ; observez néanmoins que, s'il est chargé de tête, la continuation du trot pourrait lui rendre l'appui encore plus lourd, parce que par là il s'abandonnerait encore davantage.

Celui qui aurait des dispositions à être ramingue doit être tenu au trot déterminé. Tout cheval qui tient de ramingue a de la disposition à unir ses forces ; ne songez donc qu'à le déterminer en avant ; dans le temps qu'il vous obéira et qu'il s'y portera sans peine, retenez-le légèrement, rendez la main tout de suite, et vous verrez que peu à peu le cheval pliera les jointures et s'unira de lui-même.

Le cheval froid et paresseux, et dans lequel on trouve de la force et de la ressource, veut être aussi trotté déterminément. S'il s'anime, rassemblez-le peu à peu, afin de le conduire insensiblement au trot délie ; niais si, en le rassemblant, vous sentez qu'il se retienne et qu'il ralentisse son mouvement, usez des aides vives, chassez-le en avant, sans cependant cesser de le retenir doucement de la main ; alors il s'animera et s'unira.

Que si le cheval froid et paresseux manque de force dans les jambes et dans les reins, ménagez-le dans le trot, autrement vous l'énerveriez. D'ailleurs, pour vous prévaloir des forces du cheval qui en a peu, donnez-lui de l'haleine en l'exerçant lentement et en augmentant peu à peu la vigueur de son exercice, car il faut vous souvenir que vous devez cesser de travailler un cheval avant que la lassitude l'accable ; n'outrez jamais la leçon dans l'espérance de lui dénouer les membres en le trottant : vous lui falsifieriez et vous lui endurciriez l'appui, ce qui n'arrive que trop souvent.

De plus, il est important d'observer que, ni dans le trot déterminé, ni dans le trot délié, ni dans le trot uni, il ne faut pas s'attacher à la main, croyant de relever le cheval et de lui placer la tête. S'il a l'appui à pleine main, et que l'action du trot soit retenue par la sujétion de la bride, les barres, la barbe seront bientôt endormies et la bouche totalement endurcie : si, au contraire, il a la bouche sensible, cette même sujétion la lui offensera ; il faut donc, comme je l'ai déjà dit, le conduire insensiblement au véritable appui, lui placer la tête et lui assurer la bouche par le moyen des arrêts, des demi-arrêts, en le retenant B d'une main légère, en la rendant aussitôt et en le laissant souvent trotter sans bride.

Il y a une différence entre les chevaux qui pèsent et ceux qui tirent à la main. Les premiers s'appuyent et s'abandonnent sur la main pour etre faibles ou trop chargés, ou pour avoir la bouche trop charnue et par conséquent endormie. Les autres tirent, parce qu'ils ont les barres dures et communément rondes et décharnées ; ceux-ci peuvent se ramener par l'exercice du trot et du petit galop, et ceux-là se peuvent alléger par l'Art en se fortifiant par le trot. Les premiers, qui pèsent, font ordinairement paresseux ; ceux qui tirent sont pour la plupart impatients, désobéissants et par cela même plus dangereux et plus incorrigibles.
La seule marque, ou plutôt la marque la plus assurée que votre cheval trotte bien, c'est lorsqu'en trottant et que vous le pressez un peu, il est prêt à galoper.

Après avoir trotté votre cheval par le droit, trottez-le sur de grands cercles, niais avant de le trotter ainsi, faites-lui reconnaître le terrain au pas. Ce terrain reconnu, exercez-le au trot ; un cheval chargé et pesant trouve plus de contrainte à tenir ses forces unies pour pouvoir bien tourner que pour aller par le droit ; cette action du tour occupe la force de ses reins, sa mémoire et son attention ; ainsi, qu'une partie de vos leçons se fassent en allant par le droit, terminez-les même de cette façon, et que les distances des arrêts multipliés soient courtes, médiocres ou longues selon que vous le trouverez nécessaire -, je dis des arrêts multipliés, car les arrêts sont souvent des châtiments pour des chevaux qui s'abandonnent, forcent la main, ou qui s'appuient trop en trottant.

Il est des chevaux qui ont les épaules assouplies, mais qui néanmoins s'abandonnent, faute, de la part du cavalier, d'avoir soutenu fort souvent la main de la bride en les travaillant sur de grands cercles : trottez-les sur une piste, et bien large, et arrêtez-les Souvent, tenant votre corps en arrière avec la jambe de dehors pour leur faire baisser les hanches.
Les principaux effets du trot sont donc d'alléger le cheval et de lui donner de l'appui. En effet, dans cette action, le cheval est toujours porté d'un côté sur une jambe de devant, et de l'autre sur une Jambe de derrière ; or le devant et le derrière étant également soutenus de biais, le cavalier ne peut manquer de lui assurer la tête et de lui dénouer les membres ; mais s'il dispose les esprits et les mouvements du cheval nerveux aux plus justes leçons, si le trot développe ses forces nouées et retenues, pour ainsi dire, si ce premier exercice est le fondement de tous les airs et de tous les manèges, il doit être proportionné à la vigueur du cheval.

Il ne faut pas, pour en juger, s'arrêter aux actions -apparentes. Un cheval peut avoir fort peu de reins et accompagner nerveusement quelque bel air tant que ses forces seront unies, mais la désunion causée par l'exercice immodéré du trot fera que le cheval traînera l'air de son manège.

Il en est aussi qui font très forts de reins, mais qui ont les membres faibles ils se retiennent, ils se courbent en trottant, ils se défient de leurs épaules, de leurs jambes ou de leurs pieds. Leur irrésolution ne procède que d'un sentiment naturel qu'ils ont de leur débilité. Ne les travaillez pas excessivement au trot, n'usez-pas de châtiments rigoureux ; leurs épaules, leurs jambes ou leurs jarrets s'affaibliraient, de façon que, venant bientôt à s'acculer ou à s'abandonner sur l'appui, ils ne pourraient plus se soutenir et fournir à aucun air avec vigueur et avec justesse. Que vos leçons soient donc bien méditées ; l'unique moyen qui peut vous assurer de leurs succès est la sagesse dans la dispensation que vous ferez des forces de l'animal, et dans la sagacite avec laquelle vous déciderez du manège auquel son inclination et sa disposition le portent.

Je termine ce chapitre par la façon dont on trotte un jeune cheval avant de le monter. Mettez-lui un simple bridon dans la bouche, ajustez-lui un caveçon sur le nez, à l'anneau duquel vous attacherez une longe d'une longueur raisonnable. Faites tenir cette longe par un palefrenier qui, après avoir éloigné de lui le cheval, restera immobile dans le centre de la volte ou du cercle qui décrira le cheval. Faites suivre le cheval par quelqu'un armé d'une chambrière ; l'animal, en ayant peur, sera obligé d'aller en avant et de tourner de la longueur de la corde. Le palefrenier tiendra la longe ferme dans la main ; par ce moyen, il tirera en dedans la tête du cheval, et la croupe sera conséquemnient hors du cercle.

En travaillant le jeune cheval de cette manière, ne le pressez point. Faites-le d'abord cheminer au pas, ensuite déterminez-le au trot. Si vous n'observez point cette méthode, il ne débarrassera pas ses jambes, il sera penché d'un côté et plus sur une hanche que sur l'autre ; le pied de devant, du dedans la volte, heurtera celui de dehors, et la douleur que le cheval ressentira l'obligera de chercher une défense et J'empêchera d'obéir.

Si le cheval refuse de trotter, la personne armée de la chambrière l'animera, en frappant le cheval ou en frappant de la chambrière à terre. S'il galope au lieu de trotter, le palefrenier secouera la longe attachée au caveçon, et le cheval se remettra au trot.

Dans cette leçon, on décide bien plus aisément de la nature, de la force, de l'inclination et de la gentillesse du cheval que des qualités de celui qui est monté d'abord ; alors il est plus facile d'observer et de considérer tous ses mouvements, au lieu que, s'il est sous le cavalier, dans ces premiers commencements son naturel étant de se révolter, de se tirer de la sujétion et d'employer toute sa force et toute son industrie pour se défendre de l'Homme, il est moralement impossible de porter un jugement sur sa disposition et sur son aptitude.


 
 
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CHAPITRE V  De l'arrêt ou du parer 


Le moyen le plus sûr pour unir et pour assembler les forces d'un cheval, pour lui assurer la bouche, pour lui affermir la tête et les épaules, pour le rendre léger à la main et capable de toute justesse sur toutes sortes d'airs et de manèges, dépend absolument de la perfection et de la délicatesse des arrêts.

Pour former ou marquer bien un arrêt, il faut animer un peu le cheval, et dans le temps que l'on sent qu'il va plus vite qu'à la cadence de son train, approcher les gras de jambes, ensuite et dans l'instant mettre les épaules en arrière, et tenir la bride toujours de plus en plus ferme, jusqu'à ce que l'arrêt soit formé, aidant des jambes ou des jarrets pour le faire falquer, ou couler sur les hanches.

En diversifiant les temps des arrêts et les endroits où ils se font, le cheval ne s'attachera àautre chose qu'à obéir soigneusement à la main et aux talons du cavalier, ce qui est le but qu'on se propose dans tout l'exercice du manège.

Marquez des arrêts très rarement dans les commencements, et quand vous en faites, arrêtez votre cheval petit à petit, fort doucement et non d'un seul temps, parce que rien n'affaiblit plus les jarrets d'un jeune cheval maladroit.

Tout le monde convient que la plus grande preuve que le cheval puisse donner de ses forces et de son obéissance, est de faire un bel arrêt ferme et léger, à la fin d'une course précipitée. Il est cependant des chevaux de beaucoup de nerf et qui ont les jambes bonnes et fortes, qui parent avec peine, tandis que d'autres qui n'ont pas la même force et la même vigueur s'arrêtent aisément ; la raison en est simple. En premier lieu, la facilité de l'arrêt dépend de l'aptitude du cheval et du consentement qu'il y apporte ; en second lieu, il faut considérer sa conformation, et la proportion des différentes parties de son corps ; aussi doit-on mesurer les arrêts à la fougue du cheval, à ses forces, à la fermeté de sa tête et de son encolure, et à la disposition de sa bouche et de ses hanches.
 


 
 
 
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CHAPITRE VI  Du reculer


L'action du cheval qui recule est d'avoir toujours une de ses jambes de derrière sous le ventre, de pousser sa croupe en arrière, de plier les hanches et de demeurer tantôt sur l'une et tantôt sur l'autre ; or cette leçon est excellente pour alléger le cheval, pour l'affermir dans la main, pour le rendre capable d'aller en avant, et pour le disposer à se mettre ensemble et à le bien asseoir.

Elle ne doit être employée que lorsqu'il a été déterminé au trot et que ses membres ont été déliés, parce que ce n'est qu'alors qu'on peut commencer à chercher à l'unir ; mais que l'action du reculer soit juste ; qu'en reculant, le cheval ait la tête assurée ferme et bien placée, que son corps soit rassemblé, pour ainsi dire, sous lui, que ses pieds soient égaux, qu'il ne soit point sur les épaules, qu'il soit au contraire sur les hanches car s'il pèche dans l'une de ces positions, cette leçon, bien loin de l'unir, le confirmera dans la désunion.

Pour que le cheval puisse exécuter ce qu'on lui demande, il faut qu'il comprenne ce que le cavalier exige de lui, et que le cavalier lui apprenne peu à peu à l'exécuter ; commencez donc à le reculer dès qu'il sera en état de vous comprendre, mais contentez-vous d'abord de peu ; il suffit qu'il entende ce que vous voulez.

Il est des chevaux qui reculent non seulement avec facilité, mais encore avec union, comme des chevaux faits et dressés. Observez que les parties de leurs corps sont bien symétrifées ; ils ont de la force et la nature même les a unis , mais il en est d'autres qui reculent difficilement : ils sont faibles d'échine Ou ils pèchent par quelque défaut dans la conformation , n'exigez pas trop de ceux-ci, travaillez-les avec prudence : on ne réussit jamais en usant avec eux de rigueur.

Il est encore des chevaux ennemis de toute sujétion. Pour peu qu'on veuille les faire reculer, ils se plantent sur les deux pieds de devant et ils s'arment ; alors il faut les conduire insensiblement à ce qu'on leur demande. Pour cet effet, élevez la main en l'éloignant de votre corps, ébranlez-les, peu à peu vous les accoutumerez à l'obéissance ; et souvenez-vous que vous auriez moins de raison que l'animal que vous dressez si vous désiriez qu'il obéît tout d'un coup. Votre cheval ébranlé laissera peut-être un pied en avant ;-cette attitude marque, il est vrai, la désunion, et elle est totalement défectueuse, mais votre patience et votre douceur sont les seuls moyens qui peuvent le conduire àl'exécution de ce que vous lui demandez.
Il en est d'autres qui reculent avec furie et avec impatience : châtiez-les vigoureusement, soutenez-les légèrement des jambes en reculant. Il en est encore qui bégayent, qui battent à la main et qui font des efforts pour en sortir et pour la forcer : tenez en ce cas la main extrêmement basse ; que vos rênes soient exactement égales, distribuez la force de chacune également, en arrondissant votre poignet et en tenant vos ongles vis-à-vis de votre corps.
Après avoir reculé un cheval, portez-le en avant deux ou trois pas, quand il consent librement à l'action de la main ; ces trois pas servent à lui faire moins haïr ou à l'empêcher de craindre la sujétion du reculer ; s'il force la main en reculant, ces trois pas l'y font rentrer, et enfin ils empêchent que cette leçon du reculer ne se convertisse en quelque vice.
Ces trois pas faits en avant, arrêtez-le et tournez-le : vous le maintiendrez, vous le rendrez plus facile au Manège, vous le détournerez des mauvais desseins et des défenses que les premiers remèdes et les châtiments propres à la justesse de l'arrêt et au reculer pourraient lui suggérer. Reculez-le après l'avoir tourné, vous lui Ôterez le trop grand désir qu'il pourrait avoir de partir trop tôt du lieu de l'arrêt et de celui auquel il aura tourné.
Aussitôt que votre arrêt est fait, rendez la main ; en arrêtant, vous avez augmenté la force du point d'appui de la bouche du cheval ; si vous ne rendez point, vous l'augmenterez encore pour porter le cheval en arrière, et de là la dureté de votre main ; ce raisonnement est simple, ce principe est vrai, cependant il est peu d'hommes de cheval qui s'y conforment, soit qu'ils ne réfléchissent point, soit qu'une mauvaise habitude l'emporte.
La leçon du reculer, bien considérée et donnée dans le temps convenable, est donc un moyen sûr et nécessaire pour apprendre au cheval à bien parer, et pour le rendre obéissant et léger, quand il est pesant ou qu'il s'appuie, ou qu'il tire plus qu'à pleine main ; mais si elle est employée mal à propos, si elle est trop répétée, les chevaux s'y accoutument et, l'habitude prise, ce n'est plus un châtiment. Ne la continuez pas à ceux qui sont fougueux et durs de bouche : leur impatience, leur ardeur, ]ointe à l'habitude, les empêcheraient d'en reconnaître la cause et d'en sentir les effets. Il en est de même de ceux dont J'encolure est courte ; car, comme ils sont communément chargés d'épaules, et que la difficulté qu'ils ont de se ramener sur les hanches les porte à appuyer facilement les branches du mors contre leur poitrine, par ce moyen ils rendraient cette leçon inutile.


 
 
 

CHAPITRE VII  De l' ensemble ou de l'union 


Le but de l'Art qu'un homme de cheval professe est de donner aux chevaux qu'il entreprend ]'union, sans laquelle ils ne peuyent passer pour être bien mis. Le fond du Manège roule sur ce point unique, tout le monde en convient ; mais peu de personnes agissent et raisonnent théoriquement, la pratique seule conduit ; on ne travaille par conséquent qu'avec incertitude, et les ténèbres sont si fort épaisses qu'à peine trouverait-on quelqu'un qui pût définir ces termes d'union et d'ensemble qu'on prononce sans cesse ; J'entreprends donc d'en donner une idée claire et distincte, et je vais traiter méthodiquement cette matière.

L'union ou l'ensemble n'est autre chose que l'action par laquelle le cheval rassemble les parties de son corps et ses forces, en les distribuant également sur ses quatre jambes et en réunissant, pour ainsi dire, ses membres, comme nous réunissons nous-mêmes les nôtres lorsque nous nous préparons à un saut ou à quelque action qui demande de la force et de la légèreté. Cette position seule est capable d'affermir la tête de l'animal et de lui alléger les épaules et les bras, qui, par la structure de son corps, gouvernent et supportent la plus grande partie de son poids ; ainsi, étant par ce moyen affermi, et sa tête étant bien placée, on aperçoit dans chaque mouvement qu'il fait une correspondance merveilleuse des parties avec le tout.

Je dis que, par la structure naturelle du corps du cheval, ses bras et ses épaules supportent la plus grande partie de son poids ; en effet, sa croupe ou ses hanches ne portent, pour ainsi dire, que sa queue, tandis que ses jambes de devant, dans une attitude perpendiculaire, sont chargées de la tête, du col et des épaules ; ainsi, quelque bien fait, quelque bien proportionné qu'il soit, le devant est toujours plus employé soit dans le travail, soit dans le repos, et conséquemment il faut que l'Art vienne le soulager ; et c'est aussi ce que fait l'union ou l'ensemble, puisqu'elle le contrebalance en mettant l'animal sur les hanches.

Non seulement l'union soulage et décharge la partie la plus faible du cheval, mais elle est si nécessaire qu'un cheval désuni ne peut marcher librement ; il ne peut sauter et galoper avec légèreté, ni courir sans un danger évident de tomber et de se précipiter, parce que ses mouvements n'ont nulle harmonie et nul accord.

J'avoue que la nature, en formant le cheval, lui a donné un équilibre certain ; je sais que l'édifice de son corps est fondé sur ses quatre jambes et que ses quatre jambes ont un mouvement que suit, nécessairement son corps ; mais cet équilibre naturel ne suffit point. Tous les hommes marchent, deux jambes les portent ; cependant on fait une grande différence de celui à qui la gymnastique a donné la science de s'en servir, et de celui qui n'a que la démarche grossière et naturelle. Il en est donc de même du cheval ; il faut que lArt dénoue la nature engourdie dans lui, si l'on veut tirer un parti avantageux des membres qu'elle lui a donnés, et dont il n'est que de bons principes et des leçons sages qui puissent lui développer et lui faciliter l'usage.

Le trot est excellent pour conduire le cheval à cette union si importante et si nécessaire. je parle d'un trot soutenu et délié : cette action force le cheval à se rassembler ; en effet, le trot soutenu participe d'un mouvement vite et violent ; or il contraint le cheval à unir ses forces, parce qu'il est impossible qu'en un même temps raccourci le cheval s'allonge et fasse un mouvement abandonné. je m'explique.

Pour trotter d'un trot soutenu, le cavalier doit avoir la main de la bride près de lui, tenant le cheval un peu renfermé et les jambes près du corps du cheval. Quel est l'effet de la main ? C'est de retenir et de relever le devant. Quel est l'effet des jambes ? C'est de chasser le derrière en avant ; or, si le devant est retenu et que le derrière soit chassé, le cheval, dans une action diligente telle que celle du trot, ne petit que s'asseoir et qu'unir conséquemment, et rassembler ses forces.

Par la même raison, les pesades, les partirs de main dans le trot, le reculer et l'arrêt peuvent encore contribuer à l'ensemble. J'entends par les partirs de main, non ces échappées longues et furieuses, mais ceux dans lesquels on ne cherche qu'à animer le cheval. Un cheval trotte, pressez-le ; dans le temps qu'il redouble la violence de son action, modérez-la et raccourcissez-le, pour ainsi dire ; alors, plus il se déterminait avec ardeur, plus votre adresse à le retenir avec art unira ses membres, et s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, l'union naîtra des forces opposées, c'est-à-dire de l'ardeur du cheval qui s'échappait et de la diligence Liu cavalier qui, en le retenant, ralentissait et relevait les parties de devant de ]'animal, et distribuait également les forces qu'il employait.

Dans l'action du reculer, on s'oppose à ce que le cheval s'abandonne sur les épaules, on le force à se mettre sur les hanches ; cette leçon est donc d'autant meilleure que la cause ordinaire de la désunion est la peine que le cheval ressent à s'asseoir.
Les pesades ne font pas un moindre effet, surtout pour les chevaux lourds et paresseux d'épaules ; parce qu'elles leur apprennent à s'en servir et à les lever, et que, dès qu'ils lèvent les épaules, il faut que leur poids porte sur leurs hanches.

Une main douce et légère, des jambes savantes sont donc capables d'unir un cheval ; niais dans quel temps doit-on entreprendre de l'asseoir ? Et n'est-il pas nécessaire, avant de tenter de le mettre sur les hanches, d'assouplir parfaitement les épaules ? Il est constant que le cheval ne peut s'appuyer sur son derrière qu'autant que le devant est allégé ; voyons donc quels sont les moyens qu'il faut employer pour lui donner cette souplesse, source unique de l'action libre et légère.

Rien n'assouplit davantage les épaules du cheval que de le travailler sur des cercles larges. Promenez-le au pas sur la rondeur du cercle pour lui faire reconnaître son terrain ; ensuite, avec la rêne de dedans et la jambe de dedans, tâchez de lui tirer en dedans la tête et l'épaule de dehors. Par exemple, je travaille mon cheval sur un cercle et je vais à droite. je tire sa tête à droite par le moyen de la rêne droite ; j'amène son épaule de dehors en dedans par le moyen de la rêne gauche, et je soutiens en même temps de la jambe de dedans -, alors le cheval a la tête, pour ainsi dire, dans le centre, quoique je laisse' la croupe échappée ; la jambe droite chevale la jambe gauche, et l'épaule droite s'assouplit, tandis que la gauche soutient, dans cette action, tout le poids du corps du cheval. En travaillant à gauche et observant la même règle, l'épaule gauche s'assouplit tandis que l'épaule droite se trouve pressée et n'a plus de liberté.

Cette leçon qui tend, non seulement à assouplir les épaules du cheval, mais encore à lui donner de l'appui, étant bien entendue, je le mène le long d'un mur. Sa tête placée, lie me sers de la rêne de dedans qui le plie, j'amène l'épaule de dehors en dedans par le moyen de l'autre rêne ; dans cette attitude, je soutiens de la jambe de dedans et le cheval suit ainsi le long de la muraille, la croupe libre et échappée, et le bras de dedans chevalant et croisant à chaque pas sur celui de dehors. Par ce moyen, j'assouplis l'encolure, J'assouplis les épaules, je travaille les hanches et J'enseigne au cheval à connaître les talons. Je dis que je travaille les hanches, quoique la croupe soit échappée, parce que ce qui met un cheval sur les hanches est dans ses parties de devant. En effet, la tête du cheval placée, tirez-la en dedans : vous allongez sa croupe, vous le rendez plus haut du devant que du derrière, ses jambes vont sous le ventre, il plie conséquemment les hanches ; il en est de même que lorsqu'il descend d'une montagne : sa croupe est plus haute que le devant, elle se pousse en arrière et le cheval est assis, puisqu'il est visible que le derrière soutient tout le devant ; ainsi, le long du mur, par le moyen de la rêne de dedans, j'unis et le rassemble le cheval.

Voilà en peu de mots les moyens les plus sûrs pour parvenir à donner au cheval cette union, cette aisance par le moyen de laquelle, balançant son poids également et avec art, et distribuant ses forces avec méthode, il devient capable d'entreprendre avec grâce et avec justesse tout ce que le cavalier peut exiger de lui, proportionnément aux dispositions naturelles qu'il a d'ailleurs.
 
 

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CHAPITRE XI  De la tête et de la croupe au mur


La leçon de la tête et de la croupe au mur est une leçon admirable pour apprendre au cheval à demeurer dans l'obéissance. En effet, dans cette action, il est comme balancé entre les deux talons, et travailler la croupe le long d'une muraille au passage est, non seulement le moyen d'achever de lui assouplir les épaules, mais encore de lui enseigner à connaître les talons.
Pour cet effet, après avoir bien ouvert votre coin, tournez sur-le-champ la main et portez-la en dedans, pour déterminer votre cheval avec la rêne de dehors ; que votre jambe de dehors maintienne toujours la croupe vis-à-vis et àdeux pieds du mur ; pliez votre cheval et tirez l'épaule de dedans en arrière avec la rêne de dedans, parce que, la jambe de dehors étant portée plus aisément sur la jambe de dedans par le moyen de la rêne de dehors, le cheval croisera et chevalera, les épaules précéderont la croupe, vous étrécirez le derrière et vous le mettrez conséquemment sur les hanches.

Prenez garde, en même temps, que votre cheval n'abandonne sa ligne, soit en avançant, soit en reculant. S'il se portait en avant, soutenez-le de la main, et s'il se portait en arrière, soutenez-le des Jambes, mettant toujours plus de force dans celle qui chasse que dans celle qui fuit, c'est-à-dire dans celle de dehors que dans celle de dedans.

La leçon de la tête à la muraille est excellente pour corriger le cheval qui tire ou qui pèse à la main, parce qu'elle le contraint de se rassembler et de s'alléger avec moins d'aide de la bride ; mais elle ne doit jamais s'appliquer au cheval rétif ou ramingue, car les leçons étroites le confirment dans son vice naturel.

Mettez votre cheval à deux pas et face à face de la muraille. Faites-le cheminer de côté, ainsi que je l'ai dit en parlant de la croupe au mur ; mais, de peur qu'il ne marche d'un pied sur l'autre, ou qu'il ne se heurte les bras, laissez-le, dans les commencements à l'une et à l'autre de ces leçons, la croupe plus sur le côté contraire que les épaules, et ne la contraignez pas d'abord, parce qu'il regardera plus aisément son chemin et qu'il aura plus de facilité de hausser l'épaule et le bras qui doivent chevaler. Peu à peu, vous assujettirez les hanches, et le cheval s'assouplira également du devant et du derrière, en devenant en même temps plus léger à la main. N'oubliez pas que votre cheval doit toujours être plié ; pour y parvenir avec facilité, déterminez-le avec la rêne de dehors, car souvent la roideur du col ou de la tête procède seulement du mouvement retenu de l'épaule de dehors, étant indubitable que l'aisance ou la difficulté de l'une de ces parties dépend totalement de l'autre.

Votre cheval étant de côté, portez de temps en temps la main un peu en dehors : la rêne de dedans s'accourcit et fait regarder le cheval en dedans. De plus, elle l'élargit du devant, en éloignant sa jambe de dedans de devant de celle de dehors de devant, ce qui, par conséquent, approchant sa jambe de derrière de dedans de celle de derrière de dehors, rétrécit le derrière, fait plier les hanches, surtout celle de dehors sur laquelle il s'appuie, et le tient dans le parfait équilibre.

Ne mettez votre cheval la tête ou la croupe au mur qu'après l'avoir travaillé longtemps sur de grands cercles, la tête dans le centre, la croupe dehors, ou le long du mur la tête en dedans, la croupe échappée ; autrement vous courriez risque de jeter votre cheval dans le désordre. La plupart des défenses viennent des épaules ou des hanches, c'est-à-dire du derrière ou du devant, et dès lors il désobéit à la main ou aux talons. Le défaut de souplesse empêche donc le cheval d'exécuter : comment voudriez-vous, en effet, qu'avec une roideur extrême dans les épaules, dans les côtes et dans les hanches, il répondît et, obéît, surtout si, sans considérer que le fondement de tout est de l'assouplir, vous le pressez et vous lui donnez des leçons au-dessus de sa capacité et de sa force ?


 
 
 
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CHAPITRE XII Des changements de main larges et étroits Des voltes et des demi-voltes


On appelle changement de main l'action par laquelle le cavalier détermine et fait passer son cheval de droite à gauche et de gauche à droite, pour le travailler également à l'une et à l'autre de ces mains ; ainsi, changer de main quand on est à main droite, c'est aller à main gauche; et changer de main quand on est à main gauche, c'est aller à main droite.

Les changements de main sont, ou d'une piste, ou de deux pistes, ou larges, ou étroits.
Le changement de main d'une piste est celui dans lequel le cheval va sur une même ligne.
Le changement de main de deux pistes est celui dans lequel les hanches suivent et accompagnent les épaules ; et, dans ce changement de main, les pieds du cheval décrivent conséquemment deux lignes, l'une avec les pieds de devant, l'autre avec les pieds de derrière.
Le changement de main large est celui dans lequel la ligne de la piste, ou les deux lignes des deux pistes, traversent diagonalement tout le manège.

Le changement de main étroit est celui dans lequel la ligne ou les deux lignes n'embrassent qu'une portion du terrain.

On appelle généralement volte tout ce qui forme et décrit un cercle. Les voltes de deux pistes en décrivent deux, l'un formé par les pieds de devant, l'autre formé par les pieds de derrière.
Si le cercle forme une volte, le demi-cercle forme par conséquent une demivolte. Ces demi-voltes et ces quarts de volte se font aussi de deux pistes ainsi que la volte. Une demi-volte de deux pistes n'est donc autre chose que deux demi-cercles, l'un décrit par les pieds de devant, et l'autre décrit par les pieds de derrière ; il en est de même du quart de volte.
 

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Trois choses sont aussi essentielles que difficiles dans les changements de main, lorsqu'on veut les exécuter avec justesse : la façon de les entamer, de les continuer et de les fermer.
Je suppose que vous entrez dans un manège ; vous promenez votre cheval, vous le pliez proprement et vous parvenez au lieu où vous pouvez le changer de main large. Pour cet effet, formez d'abord un demi-arrêt ; n'abandonnez point la rêne qui plie ; l'autre rêne, c'est-à-dire la rêne de dehors, est celle dont vous devez vous servir pour déterminer le cheval;mais proportionnez la force que vous mettrez dans l'une et dans l'autre. Puisque la rêne de dehors doit déterminer le cheval, faites-la agir, son effet sera d'amener l'épaule de dehors en dedans : si elle amène l'épaule de dehors en dedans, elle détermine le cheval du côté où vous voulez aller, et elle arrête et fixe en même temps la croupe. Ce n'est pas tout ; au même instant que votre main agit, soutenez de la jambe de dehors ; votre main a déterminé l'épaule et fixé la croupe, la jambe doit achever de l'assurer, car si votre jambe n'aidait point, la croupe sortirait, serait perdue, et le cheval ne travaillerait plus que d'une piste. Vous voyez combien il faut être actif, fin et subtil pour aider avec justesse, dans les premiers pas du changement de main, et pour l'entamer avec precision, puisqu'il faut que les temps de votre main et de votre jambe soient si près l'un de l'autre qu'ils soient imperceptibles.

J'ai dit qu'il ne fallait point abandonner la rêne qui plie : en voici la raison. Tout cheval qui change de main doit regarder du côté où il va ; ce pli, cette attitude lui donne beaucoup plus de grâce et de facilité dans son manège ; or si, avant d'entreprendre votre changement de main, il est déjà plié, pourquoi abandonneriez-vous la rêne qui plie ? Ce serait augmenter la difficulté, puisque vous vous mettriez dans le cas de chercher d'un côté le point d'appui qui doit résulter de la tension de la rêne de dedans, qui sert à plier, et le point d'appui qui doit résulter de la tension de la rêne de dehors, qui détermine.

La rêne de dehors a amené l'épaule de dehors en dedans, votre jambe de dehors a accompagné l'action de votre main, voilà donc votre changement de main entamé.
L'épaule et le bras de dehors n'ont pu être portés en dedans sans passer et croiser sur l'épaule et le bras de dedans ; c'est ce que nous appelons chevaler, et c'est le mouvement continue] que doit faire la jambe de dehors dans tout le cours du changement de main. Pour parvenir à l'exécution parfaite de ce temps, vous devez nécessairement sentir quels sont les pieds qui sont en l'air, et quels sont ceux qui sont à terre. La jambe de dedans est­elle en l'air, et le cheval est-il prêt à la mettre à terre ? Soutenez la main, portez-la en dedans imperceptiblement, votre cheval sera contraint d'avancer l'épaule et le bras de dehors, il croisera et chevalera malgré lui par ce moyen.

Il ne suffit pas que le cheval croise, il faut encore qu'il avance à chaque temps, puisque ses pieds, dans le changement de main large, doivent décrire deux lignes diagonales ; il est donc important qu'il soit dans le respect pour la jambe de dedans comme pour la jambe de dehors, car ce sont les jambes qui le portent en avant. Il est vrai que vous devez d'abord tenter de le porter en avant, en portant votre corps en arrière et en rendant la main ; mais s'il n'obéit point à cette aide, il faut employer les gras de jambes, l'aidant à droite plus de la jambe gauche que de la droite, et à gauche plus de la jambe droite que de la gauche. D'ailleurs ce respect égal pour les deux talons est si nécessaire qu'il serait impossible que le cheval travaillât juste s'il n'était balancé entre les deux jambes, et ce n'est que cette grande obéissance qui fait la précision du changement de main, parce que, sans la connaissance de la main et des jambes, comment obéirait-il aux mouvements du cavalier ?

Pour fermer juste un changement de main, il faut que les quatre jambes arrivent en même temps sur la ligne droite et d'une piste ; ainsi, un changement de main justement fourni et de même cadence est celui qui, non seulement est commencé, comme lie l'ai dit, mais qui est terminé par la proportion qui fait que la croupe du cheval accompagne jusques à la fin le mouvement des épaules.

Vous le fermerez ainsi, si vous observez toutes les règles dont je viens de vous instruire.
La plupart des chevaux, au lieu de le terminer avec cette précision, se courbent, s'entablent et se jettent avec impatience pour reprendre la ligne droite ; le moyen de les corriger est de leur faire faire une demi-volte de deux pistes au même endroit où ils ont voulu terminer le changement de main ; par exemple, si, en changeant de main à droite, ils veulent reprendre promptement la ligne droite et d'une piste sans avoir fermé juste le changement de main, demandez-leur une demi-volte à gauche, que vous leur ferez arrondir tant du devant que du derrière.

Un point essentiel et auquel on fait peu d'attention est celui de faire reprendre le cheval après le changement de main fermé. Pour le faire reprendre, il faut porter la main du côté où vous venez de fermer, et l'y porter insensiblement ; ensuite de quoi vous pouvez plier aisément le cheval sur le côté de dedans ; je vais vous expliquer la nécessité de ce mouvement.
Il est certain que le cheval ne peut et ne doit, au passage, lever ensemble un pied de devant et un pied de derrière du même côté. Lorsqu'il a entamé son changement de main, et lorsqu'il l'a fermé, l'épaule et le bras de dehors chevalaient et croisaient sur l'épaule et sur le bras de dedans ; ce mouvement était conséquemment soutenu de la hanche de dehors, car le pied de derrière du dedans était en l'air ; or, si à la fin du changement de main, et dans Pinstant que vous arrivez sur la ligne d'une Piste, si par exemple, en fermant un changement de main à droite, le mouvement du cheval est soutenu par la hanche gauche, comment pourriez-vous plier ce cheval à gauche ? Ce serait vouloir lui faire lever au même temps les deux jambes du même côte, et entreprendre une chose impossible. Parvenu sur la ligne d'une piste, portez donc la main au mur ; ce port de main fera changer de pied au cheval, dont l'action sera Pour lors soutenue sur la hanche droite, et il se pliera très librement.

Je demande que, sur les voltes de deux pistes, le cheval fasse autant de pas avec les pieds de derrière qu'avec ceux de devant, parce que tout cheval qui veut s'entabler, ou etrécir la vraie piste ou la rondeur de la volte, arrête ordinairement les pieds de derrière en une même place, et fait sans les bouger un ou deux pas avec ceux de devant, en dérobant le terrain ; il en est de même de celui qui s'accule à la fin d'un changement de main, et qui, jetant la croupe en dehors, gagne le mur avec le devant, et ne ferme pas juste le changement de main.
Je demande encore que le bras de dehors chevale facilement à chaque pas sur celui de dedans, parce que c'est un moyen sûr d'empêcher un cheval trop sensible ou ramingue de devenir entier, ou de se plier ou de se coucher dans la volte ; vices qui naissent de la trop grande sujétion des pieds de derrière ou des hanches.

Il est des chevaux qui ont la croupe si légère et si fausse que, dès qu'ils ont fait les premiers pas de la volte, ils se penchent en élargissant les jambes de derrière et les jetant en dehors ; aidez alors de la jambe de dehors, portez la main de la bride du même côté et non en dedans ; car c'est au moyen de la rêne de dedans et de la jambe de dehors que vous parviendrez à faire rentrer la croupe sur la piste qu'elle doit tenir, et à la redresser ainsi qu'elle doit l'être.
S'il arrive souvent que le cheval dévide et qu'il jette sa croupe en dehors, portez-le en avant, faites-le marcher quatre pas par le droit dans un appui assez ferme et dans une cadence assez retenue, et donnez ensuite les aides dont je viens de vous parier. Cette leçon peut être également utile dans le cas où le cheval porte naturellement les hanches trop dedans la volte, et dans celui où il est entier ou en danger de le devenir ; mais que les aides soient faites alors du côté où il se serrera, afin de l'élargir de derrière et de chasser en même temps la croupe en dehors.

Souvenez-vous, au surplus, que tous les moyens qui tirent la tête du cheval d'un côté sont propres en même temps à lui chasser la croupe de l'autre.

Quand le cheval dévide de la main, sa désobéissance peut provenir, ou de ce qu'il n'obéit pas à la main, ou peut-être de ce qu'il ne fuit pas les talons. Si vous voulez user d'un autre remède pour lui ôter ce défaut, tenez-le bas du devant, c'est-à-dire ayez la main de la bride très basse et, en le portant en avant de deux pistes, aidez-le ferme des gras de jambe : comme celle de dehors tient la croupe en dedans, la jambe de dedans du cavalier, aidée de celle de dehors, le porte en avant.

Lorsque le cheval résiste au talon et que sa croupe est en dehors malgré cette aide, servez­vous de la rêne de dedans, en portant la main en dehors, Ies ongles en haut : la croupe sera incontestablement pressée faites-en de même si le cheval porte la tête hors la volte en passageant vous lui mettrez le nez dedans ; mais dans l'un et dans l'autre de ces cas, après avoir porté la main en dehors, replacez-la pour faire agir la rêne de dehors, qui donne liberté aux jambes de dehors de croiser par-dessus les jambes de dedans.
Si le cheval se traverse sur le talon droit, menez-le de ce côté avec le talon gauche ; s'il veut aller de côté sur le gauche, faites-le aller de côté sur le droit; s'il jette sa croupe dehors, mettez-la doucement dedans ; enfin, si tout à coup il la met dedans, faites-la aller doucement dehors ; qu'il prenne, en un mot, et qu'il gagne la facilité par l'habitude des leçons réglées.
De tous les différents principes que je viens de vous développer, et que vous pouvez appliquer aux changements de main étroits, aux changements de main sur les voltes, ainsi qu'aux demi-voltes, il résultera, si vous les pratiquez à propos, une obéissance exacte de la part du cheval, qui dès lors se dépouillera, pour ainsi dire, de sa propre inclination, et sera contraint de se conformer à votre volonté, que votre main et vos jambes lui feront connaître.
 


 
 
 
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CHAPITRE XIII  Des aides du corps


La perfection de toutes les aides consiste, ainsi que je l'ai prouvé jusqu'ici, dans leur harmonie et dans leur accord, car sans cette harmonie et sans cet accord, elles ne produisent aucun effet, puisque le cheval ne peut dès lors observer l'égalité, la précision et la mesure inséparables d'un air nettement soutenu.

Ce principe posé, il s'agit de démontrer évidemment que ]es aides du corps contribuent et peuvent même seules conduire géométriquement à l'Union des aides de la main et des jambes ; et dès lors, on sera forcé de conclure qu'elles sont préférables à toutes les autres.
La justesse des aides du corps dépend de l'assiette du cavalier. jusqu'à ce qu'il ait senti et pris le fond de la selle, il ne doit pas espérer de pouvoir manier un cheval, parce qu'outre qu'il lui est impossible d'en sentir les mouvements, il n'a point cet équilibre et cette fermete qui caractérisent l'Homme de cheval j'entends par équilibre cet aplomb sur la fourchure que rien ne peut déranger et par fermeté cette tenue qui ne demande aucune force et qui n'est fondée que sur l'équilibre même.

Il n'est que la pratique et le travail qui puissent donner cet équilibre et par conséquent cette tenue. Dans les commencements, la crainte de l'écolier et la contrainte dans laquelle sont les parties de son corps le portent à serrer les cuisses et les jarrets ; il croit avoir par là une assiette plus assurée, niais les efforts qu'il fait pour résister aux mouvements du cheval raidissent son corps et l'élèvent au-dessus du siège de la selle, en sorte qu'un seul contretemps serait capable de le désarçonner, parce que, dès qu'il n'a pas le fond de la selle, le contretemps lui donne un coup sous la fourchure et l'enlève.

Je suppose donc un homme dont la position du corps est juste et régulière, et qui, possédant cet aplomb nécessaire, peut sentir et s'unir à tous les mouvements différents du cheval ; voyons comment, par le moyen de ceux de son corps, il pourra allier les temps de sa main et de ses jambes.

Pour entrer dans un coin, on doit commencer par l'ouvrir. Ouvrir un coin, c'est tourner l'épaule du cheval avant d'y arriver, afin qu'elle embrasse le terrain, et dès lors la croupe, qui est en dedans, ne décrit le terrain embrassé par les épaules que lorsque les épaules tournent et embrassent le terrain de la ligne droite, au sortir du coin. Pour tourner l'épaule du cheval en ouvrant le coin, il faut porter la main à droite ou à gauche, selon la main à laquelle vous B travaillez ; et pour chasser la croupe en dedans, il faut soutenir de la jambe qui est du côté où vous portez la main. Pour que les épaules tournent et sortent du coin, il faut porter la main à l'opposite du côté où vous l'avez portée en entrant dans le coin ; et pour que la croupe décrive le même terrain que les épaules ont décrit, il faut soutenir de la jambe opposée à celle dont vous avez aidé en mettant les hanches dedans : le cheval ne peut faire aucune de ces actions sans l'accord parfait de toutes ces aides ; or un seul mouvement du corps suffit pour les unir avec la précision la plus exacte. En effet, au lieu de porter la main en dehors et de soutenir de la jambe, tournez-vous, mais imperceptiblement, du côté du coin, comme si vous vouliez y entrer vous-­même; alors, votre corps tournant à gauche ou à droite, votre main, qui en est une dépendance, tournera nécessairement, et votre jambe du côté où le corps aura tourné sera infailliblement pressée contre celui du cheval et l'aidera. 

Sortez-vous du coin ? 

Retournez-vous ; votre main retournera, et la jambe opposée à celle qui vient d'agir, s'approchant du corps du cheval, chassera la croupe dans le coin, de façon qu'elle décrira le terrain décrit par les épaules : c'est ainsi que vous parviendrez à accorder le temps de la main et de vos jambes avec plus d'exactitude et de justesse que si votre corps était immobile, parce que, quelque habitude que l'on ait, dès que l'on emploie simplement sa main et que l'on se sert de sa jambe sans que l'une et l'autre de ces aides soient conduites par le corps, cette action produit moins d'effet et est infiniment moins liante et moins mesurée que si elle partait du mouvement seul du corps du cavalier.

Le même mouvement du corps est aussi nécessaire en tournant entièrement à droite et à gauche, ou en menant un cheval de côté sur une même ligne, ou en le changeant de main.
Si, dans un changement de main, la croupe est trop en dedans, en tournant mon corps en dedans le la chasse dehors, et ma main, qui suit mon corps, détermine l'épaule par le moyen de la rêne de dehors qui s'accourcit ; si la croupe est trop en dehors, le tourne mon corps en dehors, et cette position, portant ma main en dehors, accourcit la rêne de dedans et tient la croupe sujette, d'accord avec ma jambe de dehors qui travaille et qui s'approche du corps du cheval. Cette aide est d'autant meilleure qu'exécutée ainsi qu'elle doit l'être, elle est imperceptible et n'effraye point le cheval ; je dis exécutée ainsi qu'elle doit l'être, car il ne s'agit pas de tourner l'épaule et de fausser son attitude ; pour que le mouvement du corps unisse la main et la jambe, il faut que ce soit la hanche du cavalier qui tourne et qui amène insensiblement le reste du corps ; sans cela, bien loin de profiter de l'avantage de votre équilibre, vous le perdriez, ainsi que la grâce de votre assiette ; et, votre équilibre perdu, comment pourriez-vous exiger de la justesse dans les mouvements de votre cheval ? justesse qui dépend entièrement de la justesse des vôtres.
 

Les aides secrètes du corps consistent donc à prévenir et à accompagner toutes les actions du cheval. 


Voulez-vous le reculer ? 
Portez votre corps en arrière : votre main suivra le corps, et un simple tour de poignet fera obéir le cheval.

Voulez-vous le porter en avant ? 
Portez le corps moins en arrière, mais ne chargez pas le devant, parce que l'attitude un peu appuyée sur le derrière vous donne de l'aisance et de la facilité à approcher vos jambes. 

Votre cheval lève-t-il le devant ? 
Mettez votre corps en avant ; 

Rue-t-il, saute-t-il, épare-t-il ? 
Mettez votre corps en arrière ; 

Galope-t-il ? 
Résistez à tous les mouvements et, pour cet effet, avancez votre ceinture au pommeau, en forçant le pli dans les reins ; 

Travaillez-vous sur de grands cercles la tête dedans, la croupe échappée ? 
Que votre corps fasse partie du cercle, parce que, cette position mettant votre main en dedans, vous y amenez l'épaule de dehors, sur laquelle celle de dedans chevale circulairement; et, votre jambe de dedans étant aussi, par ce moyen, près du corps du cheval, vous laissez la croupe dehors. J'appelle faire partie du cercle le contrepoids du corps un peu plus appesanti du côté du centre ; et ce contrepoids naît naturellement du tour de la hanche de dehors du cavalier, et du port de cette hanche en dedans.

Les aides du corps sont donc celles qui font manier le cheval avec le plus de plaisir, et qui le font conséquemment exécuter avec le plus de grâce ; or, si elles sont telles qu'elles seules forment la justesse des airs, si elles unissent et accordent parfaitement la main et les jambes, si elles sont si imperceptibles qu'on n'aperçoit aucun mouvement du cavalier, et qu'il semble que le cheval travaille seul et de lui-même, si elles embrassent en même temps les principes les plus certains de l'Art, si le corps du cavalier qui est en état de les employer est nécessairement ferme sans raideur, et liant sans mollesse, il faut donc absolument convenir que cette méthode est la plus courte, la plus intelligible et la plus sûre pour former des Hommes de cheval.

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