CHAPITRE IV
Des termes de l'Art.
Rien ne contribue davantage à la connaissance d'un Art ou
d'une Science, que l'intelligence des termes qui lui sont propres.
L'Art de monter à Cheval en a de particuliers ; c'est pourquoi
j'ai cherché à en donner des définitions claires et
précises que j'entends parmi les termes les plus fréquents.
Manège, Air, Aides,
Aides fines. Piste, Changer
de main , Rendre la main, S'attacher
à la main , Tirer à la main .
Peser à la main, Battre à la main, Faire
les forces , Appui , Parade,
Reprise, Marquer un demi-arrêt ,
Ramener, Rassembler un Cheval, Etre
dans la main et dans les talons , Renfermer ,
Bien
mis , Se traverser, S'
entabler, Harper,
Piaffer
,
Trépigner, Doubler. Falquer,
Falcade , Tride
,
Serrer une demi-volte, Travailler
de la main à la main , Secourir,
Chevaler, Dedans et Dehors,
Interieur, extérieur,
Manège, ce mot a deux significations
: savoir le lieu où l'on exerce les Chevaux et l'exercice qu'on
leur fait faire.
A l'égard des
manèges où l'on exerce les Chevaux, il y en a de couverts
et de découverts. Un beau manège couvert doit être
large de 35 à 36 pieds, et long de trois fois sa largeur.
Un manège découvert peut être plus large
et plus long, suivant le terrain qu'on a à y employer on l'entoure
de barrières.
Le manège regardé comme l'exercice que l'on fait
faire au Cheval, est la manière de le dresser sur toutes sortes
d'airs.
Air est la belle attitude que doit avoir un
Cheval dans ses différentes allures ; c'est aussi la cadence propre
à chaque mouvement qu'il fait dans chaque allure, soit naturelle
ou artificielle, comme nous l'expliquerons dans la suite.
Changer de main, est l'action que
fait un Cheval avec les jambes lorsqu'il change de pied, soit pour galoper
sur le pied droit ou sur le pied gauche. Ce terme vient des anciens Écuyers
qui nommaient les parties du corps du Cheval, par préférence
aux autres animaux, comme celles de l'Homme ; et de même qu'on dit
encore aujourd'hui la bouche d'un Cheval, le menton et le bras, ils appelaient
aussi le pied d'un Cheval la main ; ainsi changer de main c'est changer
de pied. Selon l'usage, on entend aussi par changement de main, la ligne
ou la piste que décrit un Cheval, en traversant le manège
avant de faire ce changement de pied.
Piste est le chemin que décrivent
les quatre pieds d'un Cheval en marchant. Un Cheval va d'une piste ou de
deux pistes. Il va d'une piste lorsqu'il marche droit sur une même
ligne, et que les pieds de derrière suivent et marchent sur la ligne
de ceux de devant. Il va de deux pistes lorsqu'il va de côté
; et alors les pieds de derrière décrivent une autre ligne
que ceux de devant : c'est ce qu'on appelle Fuir les talons.
Aides, sont les moyens dont le Cavalier se
sert pour faire aller son Cheval et le secourir ; ces moyens consistent
dans différents mouvements de la main et des jambes.
Aides fines. On dit d'un Homme de Cheval qu'il a des aides
fines lorsque ses mouvements sont peu apparents et qu'en gardant un juste
équilibre il aide son Cheval avec sa science, avec aisance et avec
grâce, ce qu'on appelle aussi Aides secrètes. On dit encore
qu'un Cheval a les aides fines lorsqu'il obéit promptement et avec
facilité au moindre mouvement de la main et des jambes du Cavalier.
Rendre la main c'est le mouvement que l'on
fait en baissant la main de la bride, soit pour adoucir ou pour faire quitter
le sentiment du mors sur les barres. Il faut remarquer, qu'on entend toujours
par la main de bride, la main gauche du Cavalier ; car, quoiqu'on se serve
quelquefois de la main droite pour tirer la rêne droite, ce n'est
alors qu'une aide à la main gauche qui reste toujours la main de
bride.
S'attacher à la main, c'est
lorsqu'un Cavalier a la main rude et qu'il la tient plus ferme qu'il ne
doit : c'est le plus grand défaut qu'on puisse avoir à cheval
; car cette dureté de main gâte la bouche d'un Cheval, l'accoutume
à se cabrer, et le met en danger de se renverser, accident bien
funeste, et dont les suites sont quelquefois la mort du Cavalier, comme
il est arrivé plus d'une fois.
Tirer à la main. Ce défaut
regarde le Cheval, c'est lorsque la bouche se raidit contre la main de
Cavalier, en tirant et en levant le nez, par ignorance ou par désobéissance.
Peser à la main, c'est lorsque la
tête du Cheval s'appuie sur le mors et s'appesantit sur la main de
la bride, en sorte qu'on est obligé de porter, pour ainsi dire,
la tête du Cheval.
Battre à la main, c'est le défaut
des Chevaux qui n'ont pas la tête assurée, ni la bouche faite,
et qui, pour éviter la sujétion du mors, secouent la bride
et donnent des coups de tête.
Faire les forces, c'est un mouvement
très désagréable que font certains Chevaux en ouvrant
la bouche et en portant continuellement la mâchoire inférieure
de gauche à droite et de droite à gauche ; c'est le défaut
des bouches faibles.
Appui, est le sentiment que produit l'action
de la Bride dans la main du Cavalier, et réciproquement l'action
que la main du Cavalier opère sur les barres du Cheval. Il y a des
Chevaux qui n'ont point d'appui, d'autres qui en ont trop, et d'autres
qui ont l'appui à pleine main. Ceux qui n'ont point d'appui sont
ceux qui craignent le mors et ne peuvent souffrir qu'il appuie sur les
barres, ce qui les fait battre à la main et donner des coups de
tête. Les Chevaux qui ont trop d'appui sont ceux qui s'appesantissent
sur la main. L'appui à pleine main, qui fait la meilleure bouche,
c'est lorsque le Cheval, sans peser ni battre à la main, a l'appui
ferme, léger et tempéré ; ces trois qualités
sont celles de la bonne bouche d'un Cheval, lesquelles répondent
à celles de la main du Cavalier qui doit être légère,
douce et ferme.
Parade, est la manière d'arrêter
un Cheval à la fin de sa reprise, ainsi parer signifie arrêter.
Reprise, est une leçon réitérée
qu'on donne à un Cheval, et dans l'intervalle d'une reprise à
l'autre, on lui laisse reprendre haleine.
Marquer un demi-arrêt,
c'est lorsqu'on retient la main de la bride près de soi pour retenir
et soutenir le devant d'un Cheval qui s'appuie sur le mors, ou lorsqu'on
veut le ramener ou le rassembler.
Ramener, c'est faire baisser la tête
et le nez à un Cheval qui tire à la main et porte le nez
haut.
Rassembler un Cheval, ou le tenir
ensemble, c'est le raccourcir de son allure ou dans son air, pour le mettre
sur les hanches ; ce qui se fait en retenant doucement le devant avec la
main de la bride, et chassant les hanches sous lui avec le gras des jambes
pour le préparer à le mettre dans la main et dans les talons.
Etre dans la main et
dans les talons, c'est la qualité que l'on donne à un
Cheval parfaitement dressé, qui fuit la main, fuit les jambes et
les éperons, avec liberté et obéissance, soit en avant
ou en arrière, dans une place de côté sur un talon
et sur l'autre, et qui souffre les jambes et même les éperons
sans se traverser ni déplacer la tête. Si l'on trouvait aujourd'hui
un pareil Cheval, on pourrait, sans témérité, lui
donner le nom de Phénix.
Renfermer, c'est tenir beaucoup ensemble
un Cheval qui est assez avancé pour commencer à le mettre
dans la main et dans les talons.
Bien mis, c'est-à-dire bien dressé,
bien mis dans la main et dans les talons.
Se traverser, c'est lorsque la croupe
d'un Cheval se dérange de la piste qu'elle doit décrire,
soit en fuyant les talons ou en allant par le droit.
S'entabler, c'est lorsque le Cheval,
allant de côté, s'accule au lieu d'aller en avant, et que
les hanches marchent avant les épaules. Ce terme n'est plus guère
en usage, on se sert d'acculer.
Harper, c'est l'allure des Chevaux qui ont
des éparvins secs, dont le mouvement se fait de la hanche avec précipitation
au lieu de plier le jarret.
Piaffer, c'est l'action que fait le Cheval
lorsqu'il passage dans une même place en pliant les bras et en levant
les jambes avec grâce, sans se traverser, ni avancer, ni reculer,
et en demeurant dans le respect pour la main et pour les jambes du Cavalier.
Trépigner, c'est le défaut
de ceux qui piaffent mal, qui au lieu de soutenir la jambe haut, précipitent
leur mouvement et battent la poudre. Les Chevaux qui ont trop d'ardeur
sont sujets à ce défaut.
Doubler. Il y a doubler large et doubler
étroit. Le doubler large est lorsqu'on tourne un Cheval par le milieu
du manège sans changer de main, en partageant le terrain également.
Et le doubler étroit est lorsqu'on le tourne dans un carré
étroit aux quatre coins du manège.
Falquer, Falcade, est l'action que fait
le Cheval en coulant les hanches basses et trides à l'arrêt
du galop.
Tride, ce mot est de M. de la Broue : il
s'en est servi pour examiner les mouvements prompts, courts et unis, que
font les Chevaux avec les hanches, en les rabattant promptement sous eux.
On dit d'un Cheval qu'il a la carrière tride, c'est-à-dire
qu'il galope court et vite des hanches.
Fermer, Serrer une demi-volte,
cela s'entend de la fin d'un changement de main ; ou d'une demi-volte,
où un Cheval doit arriver également de côté,
les quatre jambes ensemble, sur la ligne de la muraille, pour reprendre
à l'autre main.
Travailler de la main à
la main, c'est lorsqu'on tourne un Cheval d'une piste, avec la main
seule et peu d'aide des jambes : ce qui est bon pour le manège de
guerre.
Secourir, c'est aider un Cheval avec les
jarrets ou avec les gras des jambes, lorsqu'il veut demeurer ou se ralentir
dans son allure.
Chevaler, c'est lorsque le Cheval, en
allant de côté, en fuyant les talons, les jambes de dehors
passent par-dessus celles de dedans.
Dedans et Dehors, Interieur,
extérieur, c'est une façon de parler, dont on se sert
quelquefois, au lieu de droit et de gauche, pour exprimer les aides que
l'on doit donner avec les rênes de la bride, avec les jambes et les
talons de Cavalier, et aussi les mouvements des jambes du Cheval, selon
la main où il va.
Pour mieux entendre ceci, il faut savoir qu'autrefois les Écuyers
travaillaient presque toujours leurs Chevaux sur des cercles et le centre
autour duquel ils tournaient, déterminait la main où ils
allaient ; en sorte qu'un tournant un Cheval à droite sur un cercle,
la rêne de la bride, la jambe et le talon du Cavalier, et les jambes
du Cheval qui étaient du côté du centre s'appelaient
la rêne de dedans, la jambe de dedans, le talon de dedans, ce qui
est de même de dire, rêne droite, jambe droite, etc.
Pour lors la rêne de dehors, la jambe de dehors sont la rêne
gauche, la jambe gauche, et de même en tournant un Cheval à
gauche sur un cercle, la rêne et la jambe qui sont du côté
du centre, s'appellent la rêne et la jambe de dedans, et sont la
rêne gauche et la jambe gauche ; et par conséquent la rêne
de dehors, et la jambe de dehors, sont la rêne droite et la jambe
droite. Aujourd'hui que les manèges sont carrés et bornés
de murailles ou de barrières, il est aisé de comprendre,
qu'on entend par la rêne de dehors, la jambe de dehors, celles qui
sont du côté du mur. Si le mur est à la gauche du Cavalier,
cela s'appelle aller à main droite, alors la rêne et la jambe
du dehors sont du côté du mur, ce sont la rêne gauche
et la jambe gauche, et celles de dedans sont du côté du manège.
Si la muraille est à droite du Cavalier, cela se dit travailler
à main gauche ; la rêne droite et la jambe droite sont la
rêne et la jambe de dehors, et par conséquent la rêne
gauche et la jambe gauche sont celles de dedans. J'ai été
obligé de donner une explication un peu ample de ces termes, parce
que plusieurs personnes les confondent ; mais pour parler plus intelligiblement,
on dit droite et gauche, qui est plus simple, tant pour exprimer les jambes
du Cavalier que celles du Cheval, et aussi les rênes de la bride.
A l'égard des termes qui regardent les airs du manège,
on trouvera l'explication et la définition dans le chapitre VI où
il est traité des mouvements artificiels.