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Buffon (1705-1788) fut Intendant des Jardins du Roi et a participé à la grande aventure scientifique qui vu également la parution de l'Encyclopédie. L"HISTOIRE NATURELLE " qu'écrit Buffon se compose de plusieurs parties. |
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La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui partage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats; aussi intrépide que son maître, le cheval voit le péril et l'affronte; il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche et s'anime de la même ardeur; il partage aussi ses plaisirs; à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étincelle; mais docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter à son feu, il sait réprimer ses mouvements; non seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs, et obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'arrête, et n'agit que pour y satisfaire. |
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Voilà le cheval dont les talents sont développés, dont l'art a perfectionné les qualités naturelles, qui dès le premier âge a été soigné et ensuite exercé, dressé au service de l'homme; c'est par la perte de sa liberté que commence son éducation, et c'est par la contrainte qu'elle s'achève: l' esclavage ou la domesticité de ces animaux est même si universelle, si ancienne, que nous ne les voyons que rarement dans leur état naturel; ils sont toujours couverts de harnais dans leurs travaux; on ne les délivre jamais de tous leurs liens, même dans les temps du repos; et si on les laisse quelquefois errer en liberté dans les pâturages, ils y portent toujours les marques de la servitude, et souvent les empreintes cruelles du travail et de la douleur: la bouche est déformée par les plis que le mors a produits; les flancs sont entamés par des plaies, ou sillonnés de cicatrices faites par l'éperon: la corne des pieds est traversée par des clous; l'attitude du corps est encore gênée par l'impression subsistante des entraves habituelles; on les en délivrerait en vain, ils n'en seraient pas plus libres; ceux même dont l'esclavage est le plus doux, qu'on ne nourrit, qu'on n'entretient que pour le luxe et la magnificence, et dont les chaînes dorées servent moins à leur parure qu'à la vanité de leur maître, sont encore plus déshonorés par l'élégance de leur toupet, par les tresses de leurs crins, par l'or et la soie dont on les couvre, que par les fers qui sont sous leurs pieds. |
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Le naturel de ces animaux n'est point féroce; ils sont seulement fiers et sauvages; quoique supérieurs par la force à la plupart des autres animaux, jamais ils ne les attaquent; et s'ils en |
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Quelques anciens auteurs parlent des chevaux sauvages, et citent même des lieux où ils se trouvaient; Hérodote dit que sur les bords de |
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On trouve aussi dans les Lettres édifiantes (1) qu'à la Chine il y a des chevaux sauvages forts petits. |
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Cela prouve que ces animaux sont naturellement doux et très-disposés à se familiariser avec l'homme et à s'attacher à lui; aussi n' arrive-t-il jamais qu'aucun d'eux quitte nos maisons pour se retirer dans les forêts ou dans les déserts; ils marquent au contraire beaucoup d' empressement pour revenir au gîte, où cependant ils ne trouvent qu'une nourriture grossière, toujours la même et ordinairement mesurée sur l'économie beaucoup plus que sur leur appétit; mais la douceur de l'habitude leur tient lieu de ce qu'ils perdent d'ailleurs; après avoir été excédés de fatigue, le lieu du repos est un lieu de délices, ils le sentent de loin, ils savent le reconnaître au milieu des plus grandes villes, et semblent préférer en tout l'esclavage à la liberté; ils se font même une seconde nature des habitudes auxquelles on les a forcés ou soumis, puisqu'on a vu des chevaux, abandonnés dans les bois, hennir continuellement pour se faire entendre, accourir à la voix des hommes, et en même temps maigrir et dépérir en peu de temps, quoiqu'ils eussent abondamment de quoi varier leur nourriture et satisfaire leur appétit. |
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Il ne suffit pas que les mouvements du cheval soient légers, il faut encore qu'ils soient égaux et uniformes dans le train du devant et dans celui du derrière, car si la croupe balance tandis que les épaules se soutiennent, le mouvement se fait sentir au cavalier par secousses et lui devient incommode; la même chose arrive lorsque le cheval allonge trop de la jambe de derrière et qu'il la pose au-delà de l'endroit où le pied de devant a porté: les chevaux dont le corps est court sont sujets à ce défaut; ceux dont les jambes se croisent ou s'atteignent n'ont pas la démarche sûre; et en général ceux dont le corps est long sont les plus commodes pour le cavalier, parce qu'il se trouve plus éloigné des deux centres de mouvement, les épaules et les hanches, et qu'il en ressent moins les impressions et les secousses. |
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Les chevaux galopent ordinairement sur le pied droit; de la même manière qu'ils partent de la jambe droite de devant pour marcher et pour trotter, ils entament aussi le chemin en galopant par la jambe droite de devant, qui est plus avancée que la gauche; et de même la jambe droite de derrière, qui suit immédiatement la droite de devant est aussi plus avancée que la gauche de derrière, et cela constamment tant que le galop dure; de là il résulte que la jambe gauche, qui porte tout le poids et qui pousse les autres en avant, est la plus fatiguée; en sorte qu'il serait bon d'exercer les chevaux à galoper alternativement sur le pied gauche aussi bien que sur le droit, ils suffiraient plus long-temps à ce mouvement violent; et c'est aussi ce que l'on fait au manège, mais peut-être par une autre raison, qui est que, comme on les fait souvent changer de main, c'est-à-dire décrire un cercle dont le centre est tantôt à droite, tantôt à gauche, on les oblige aussi à galoper tantôt sur le pied droit, tantôt sur le gauche. |
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Le ressort des jarrets contribue autant au mouvement du galop que celui des reins; tandis que les reins font effort pour élever et pousser en avant les parties antérieures, le pli du jarret fait ressort, rompt le coup et adoucit la secousse; aussi plus ce ressort du jarret est liant et souple, plus le mouvement du galop est doux; il est aussi d'autant plus prompt et plus rapide, que les jarrets sont plus forts; et d'autant plus soutenu, que le cheval porte plus sur les hanches, et que les épaules sont plus soutenues par la force des reins. |
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Il n'y a donc dans l'amble, comme dans le trot, que deux temps dans le mouvement; et toute la différence est que dans le trot les deux jambes qui vont ensemble sont opposées en diagonale; au lieu que dans l'amble ce sont les deux jambes du même côté qui vont ensemble: cette allure, qui est très fatigante pour le cheval, et qu'on ne doit lui laisser prendre que dans les terrains unis, est fort douce pour le cavalier, elle n'a pas la dureté du trot, qui vient de la résistance que fait la jambe de devant lorsque celle de derrière se lève, parce que dans l'amble cette jambe de devant se lève en même temps que celle de derrière du même côté; au lieu que dans le trot cette jambe de devant du même côté demeure en repos et résiste à l'impulsion pendant tout le temps que se meut celle de derrière. |
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L'amble peut donc être regardé comme une allure défectueuse, puisqu'elle n'est pas ordinaire et qu'elle n'est naturelle qu'à un petit nombre de chevaux, que ces chevaux sont presque toujours plus faibles que les autres, et que ceux qui paraissent les plus forts sont ruinés, en moins de temps que ceux qui trottent et galopent: mais il y a encore deux autres allures, l'entrepas et l'aubin, que les chevaux faibles ou excédés prennent d'eux-mêmes, qui sont beaucoup plus défectueuses que l'amble; on a appelé ces mauvaises allures des trains rompus, désunis ou composés: l'entrepas tient du pas et de l'amble, et l'aubin tient du trot et du galop, l'un et l'autre viennent des excès d'une longue fatigue ou d'une grande faiblesse de reins; les chevaux de messagerie qu'on surcharge, commencent à aller l'entrepas au lieu du trot à mesure qu'ils se ruinent; et les chevaux de poste ruinés, qu'on presse de galoper, vont l'aubin au lieu du galop. |
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L'attitude de la tête du cou, contribue plus que celle de toutes les autres parties du corps à donner au cheval un noble maintien. |
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La tête doit être sèche et menue sans être trop longue, les oreilles peu distantes, petites, droites, immobiles, étroites, déliées et bien plantées sur le haut de la tête, le front étroit et un peu convexe,les salières remplies, les paupières minces, les yeux clairs, vifs, pleins de feu, assez gros et avancés à fleur de tête, la prunelle grande, la ganache décharnée et peu épaisse, le nez un peu arqué, les naseaux bien ouverts et bien fendus, la cloison du nez mince, les lèvres déliées, la bouche médiocrement fendue, le garrot élevé et tranchant, les épaules sèches, plates et peu serrées, le dos égal, uni, insensiblement arqué sur la longueur, et relevé des deux côtés de l'épine qui doit paraître enfoncée, les flancs pleins et courts, la croupe ronde et bien fournie, la hanche bien garnie, le tronçon de la queue épais et ferme, les bras et les cuisses gros et charnus, le genou rond en devant, le jarret ample et évidé, les canons minces sur le devant et larges sur les côtés, le nerf bien détaché, le boulet menu, le fanon peu garni, le paturon gros et d'une médiocre longueur, la couronne peu élevée, la corne noire, unie et luisante, le sabot haut, les quartiers ronds, les talons larges et médiocrement élevés, la fourchette menue et maigre, et la sole épaisse et concave. |
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Mais il y a peu de chevaux dans lesquels on trouve toutes ces perfections rassemblées: les yeux sont sujets à plusieurs défauts qu'il est quelquefois difficile de reconnaître; dans un œil sain on doit voir à travers la cornée deux ou trois taches couleur de suie au-dessus de la prunelle, car pour voir ces taches, il faut que la cornée soit claire, nette et transparente; si elle paraît double ou de mauvaise couleur l'œil n'est pas bon; la prunelle petite, longue et étroite ou environnée d'un cercle blanc, désigne aussi un mauvais œil; et lorsqu'elle a une couleur de bleu verdâtre, l' œil est certainement mauvais et la vue trouble. |
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Le cheval de selle doit avoir les épaules plates, mobiles et peu chargées; le cheval de trait au contraire doit les avoir grosses, rondes et charnues. |
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Pour avoir de beaux chevaux de selle fins et bien faits, il faut prendre des étalons étrangers; les arabes, les turcs, les barbes et les chevaux d'Andalousie sont ceux qu'on doit préférer à tous les autres; et à leur défaut on se servira de beaux chevaux anglais, parce que ces chevaux viennent des premiers, et qu'ils n'ont pas beaucoup dégénéré, la nourriture étant excellente en Angleterre, où l'on a aussi très-grand soin de renouveler les races: les étalons d'Italie, surtout les napolitains, sont aussi fort bons, et ils ont le double avantage de produire des chevaux fins de monture, lorsqu'on leur donne des juments fines, et de beaux chevaux de carrosse avec des juments étoffées et de bonne taille. |
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Avec un très bel-extérieur, l'étalon doit avoir encore toutes les bonnes qualités intérieures, du courage, de la docilité, de l'ardeur, de l'agilité, de la sensibilité dans la bouche, de la liberté dans les épaules, de la sûreté dans les jambes, de la souplesse dans les hanches, du ressort partout le corps, et surtout dans les jarrets; et même il doit avoir été un peu dressé et exercé au manège. |
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Dans ces climats la jument contribue moins que l'étalon à la beauté du poulain, mais elle contribue peut-être plus à son tempérament et à sa taille; ainsi il faut que les juments aient du corps, du ventre, et qu'elles soient bonnes nourrices: |
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Au reste, pour bien juger de la ressemblance des enfants à leurs parents, il ne faudrait pas les comparer dans les premières années, mais attendre l'âge où, tout étant développé, la comparaison en serait plus certaine et plus sensible: indépendamment du développement dans l'accroissement, qui souvent altère ou change en bien les formes, les proportions et la couleur des cheveux, il se fait, dans le temps de la puberté, un développement prompt et subit, qui change ordinairement les traits, la taille, l'attitude des jambes, etc. ; le visage s'allonge, le nez grossit et grandit, la mâchoire s'avance ou se charge, la taille s'élève ou se courbe, les jambes s'allongent et souvent deviennent cagneuses ou effilées; en sorte que la physionomie et le maintien du corps changent quelquefois si fort, qu'il serait très-possible méconnaître, au moins du premier coup d'oeil après la puberté, une personne qu'on aurait bien connue avant ce temps, et qu'on n'aurait pas vue depuis. |
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Dans les chevaux, comme le mâle contribue plus à la génération que la femelle, les juments produisent des poulains qui sont assez souvent semblables en tout à l'étalon, ou qui toujours lui ressemblent plus qu'à la mère; elles en produisent aussi qui ressemblent aux grands-pères; et lorsque la jument mère a été elle-même engendrée d'un mauvais cheval, il arrive assez souvent que, quoiqu'elle ait eu un bel étalon, et qu'elle soit belle elle-même, elle ne produit qu'un poulain qui, quoiqu'en apparence beau et bien fait dans sa première jeunesse, décline toujours en croissant; tandis qu'une jument qui sort d'une bonne race donne des poulains qui, quoique de mauvaise apparence d'abord, embellissent avec l'âge. |
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Dans ces animaux la quantité de la liqueur séminale est très grande, et dans l'émission ils en répandent fort abondamment: on verra dans les descriptions la grande capacité des réservoirs qui la contiennent, et les inductions qu'on peut tirer de l'étendue et de la forme de ces réservoirs. |
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Cette différence, qui prouve combien la nature est éloignée de rien faire d'absolu, et combien elle sait nuancer ses ouvrages, se trouve dans l'espèce humaine, dans celles de tous les animaux, de tous les végétaux, de tous les êtres, en un mot, qui se reproduisent. |
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Le développement de la forme, qui dépend en partie de la nourriture et de la qualité des humeurs, doit donc changer aussi dans les générations: ce changement est à la vérité presque insensible à la première génération, parce que les deux animaux, mâle et femelle, que nous supposons être les souches de cette race, ont pris leur consistance et leur forme avant d'avoir été dépaysés, et que le nouveau climat et la nourriture nouvelle peuvent à la vérité changer leur tempérament, mais ne peuvent pas influer assez sur les parties solides et organiques pour en altérer la forme, surtout si l'accroissement de leur corps était pris en entier; par conséquent la première génération ne sera point altérée, la première progéniture de ces animaux ne dégénérera pas, l'empreinte de la forme sera pure, il n'y aura aucun vice de souche au moment de la naissance |
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On est donc obligé de croiser les races au lieu de les conserver; on renouvelle la race à chaque génération, en faisant venir des chevaux barbes ou d'Espagne pour les donner aux juments du pays; et ce qu'il y a de singulier, c'est que ce renouvellement de race, qui ne se fait qu'en partie, et, pour ainsi dire, à moitié, produit cependant de bien meilleurs effets que si le renouvellement était entier: un cheval et une jument d'Espagne ne produiront pas ensemble d'aussi beaux chevaux en France que ceux qui viendront de ce même cheval d'Espagne avec une jument du pays; ce qui se concevra encore aisément, si l'on fait attention à la compensation nécessaire des défauts, qui doit se faire lorsqu'on met ensemble un mâle et une femelle des différents pays. |
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Or ils se compensent d'autant mieux, qu'on met ensemble des animaux de pays plus éloignés, ou plutôt de climats plus opposés. |
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Dans l'espèce humaine, le climat et la nourriture n'ont pas d'aussi grandes influences que dans les animaux; et la raison en est assez simple; l'homme se défend, mieux que l'animal, de l'intempérie du climat; il se loge, il se vêtit convenablement aux saisons; sa nourriture est aussi beaucoup plus variée, et par conséquent elle n'influe pas de la même façon sur tous les individus. |
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L'usage ordinaire est de faire couvrir une jument neuf jours après qu'elle a pouliné; c'est pour ne point perdre de temps, et pour tirer de son haras tout le produit que l'on peut en attendre; |
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Il faut avoir attention, lorsqu'on sèvre les jeunes poulains, de les mettre dans une écurie propre, qui ne soit pas trop chaude, crainte de les rendre trop délicats et trop sensibles aux impressions de l'air. |
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A l'âge de trois ans ou de trois ans et demi, on doit commencer à les dresser et à les rendre dociles; on leur mettra d'abord une selle légère et aisée, et on les laissera sellés pendant deux ou trois heures chaque jour; on les accoutumera de même à recevoir un bridon dans la bouche et à se laisser lever les pieds, sur lesquels on frappera quelques coups comme pour les ferrer. |
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A Saint-Domingue, on n'en voit point de la grandeur des chevaux de carrosse, mais ils sont d'une taille moyenne et bien prise. On en prend quantité avec des piéges et des nœuds coulants. La plupart de ces chevaux ainsi pris sont ombrageux (1). On en trouve aussi dans la Virginie, qui, quoique sortis de cavales privées, sont devenus si farouches dans les bois, qu'il est difficile de les aborder, et ils appartiennent à celui qui peut les prendre; ils sont ordinairement si revêches, qu'il est très difficile de les dompter (2). |
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Les chevaux arabes sont les plus beaux que l'on connaisse en Europe; ils sont plus grands et plus étoffés que les barbes, et tout aussi bien faits; mais comme il en vient rarement en France, les écuyers n'ont pas d'observations détaillées de leurs perfections et de leurs défauts. Aussi devons nous reférrer à ce que des voyageurs ont rapporté des contrées lointaines où ils vivent à l'ordinaire. |
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D'autres voyageurs (1) nous ont donné sur les chevaux arabes des relations curieuses, dont nous ne rapporterons ici que les principaux faits. |
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Quand ils n'ont pas des étalons nobles, ils en empruntent chez leurs voisins, moyennant quelque argent, pour faire couvrir leurs juments, ce qui se fait en présence de témoins qui en donnent une attestation signée et scellée par-devant le secrétaire de l'Émir, ou quelque autre personne publique; et dans cette attestation, le nom du cheval et de la jument est cité, et toute leur génération exposée; lorsque la jument a pouliné, on appelle encore des témoins, et l'on fait une autre attestation dans laquelle on fait la description du poulain qui vient de naître, et on marque le jour de sa naissance. |
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Tous les chevaux des Arabes sont d'une taille médiocre, fort dégagés, et plutôt maigres que gras; ils les pansent soir et matin fort régulièrement et avec tant de soin, qu'ils ne leur laissent pas la moindre crasse sur la peau; ils leur lavent les jambes, le crin et la queue qu'ils laissent toute longue et qu'ils peignent rarement pour ne pas rompre le poil; ils ne leur donnent rien à manger de tout le jour, ils leur donnent seulement à boire deux ou trois fois; et au coucher du soleil, ils leur passent un sac à la tête, dans lequel il y a environ un demi-boisseau d'orge bien net: ces chevaux ne mangent donc que pendant la nuit, et on ne leur ôte le sac que le lendemain matin lorsqu'ils ont tout mangé: on les met au vert au mois de mars, quand l'herbe est assez grande; c'est dans cette même saison que l'on fait couvrir les juments, et on a grand soin de leur jeter de l'eau froide sur la croupe, immédiatement après qu'elles ont été couvertes: lorsque la saison du printemps est passée, on retire les chevaux du pâturage, et on ne leur donne ni herbe ni foin de tout le reste de l'année, ni même de paille que très-rarement, l'orge est leur unique nourriture. |
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Dans toutes ces contrées, on ne les fait jamais manger à terre ni même à un râtelier, mais on leur met de l'orge et de la paille hachée dans un sac qu'on attache à leur tête, car il n'y a point d'avoine, et l'on ne fait guère de foin dans ce climat; on leur donne seulement de l'herbe ou de l'orge en vert au printemps, et en général on a grand soin de ne leur fournir que la quantité de nourriture nécessaire; car lorsqu'on les nourrit trop largement, leurs jambes se gonflent, et bientôt ils ne sont plus de service. |
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Ils ont tous la tête légère, l'encolure fine, le poitrail étroit, les oreilles bien faites et bien placées, les jambes menues, la croupe belle et la corne dure; ils sont dociles, vifs, légers, hardis, courageux et capables de supporter une grande fatigue; ils courent d'une très-grande vitesse, sans jamais s'abattre ni s'affaisser; ils sont robustes et très-aisés à nourrir; on ne leur donne que de l'orge mêlée avec de la paille hachée menu, dans un sac qu'on leur passe à la tête, et on ne les met au vert que pendant six semaines au printemps; on leur laisse la queue longue, on ne sait ce que c'est que de les faire hongres; on leur donne des couvertures pour les défendre des injures de l'air, on les soigne avec une attention particulière, on les conduit avec un simple bridon et sans éperon, et on en transporte une très-grande quantité en Turquie, et surtout aux Indes: ces voyageurs, qui font tous l'éloge des chevaux de Perse, s'accordent cependant à dire que les chevaux arabes sont encore supérieurs pour l'agilité, le courage et la force, et même la beauté; et qu'ils sont beaucoup plus recherchés, en Perse même, que les plus beaux chevaux du pays. |
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Il semble que les climats excessivement chauds soient contraires aux chevaux: ceux de la Côted'Or, de celle de Juida, de Guinée, etc., sont, comme ceux des Indes, fort mauvais; ils portent la tête et le cou fort bas; leur marche est si chancelante, qu'on les croit toujours prêts à tomber; ils ne se remueraient pas si on ne les frappait continuellement; et la plupart sont si bas, que les pieds de ceux qui les montent touchent presque à terre (1) |
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Les Tartares vivent avec leurs chevaux à peu près comme les Arabes; ils les font monter dès l'âge de sept ou huit mois par de jeunes enfants, qui les promènent et les font courir à petites reprises; ils les dressent ainsi peu à peu, et leur font souffrir de grandes diètes; mais ils ne les montent pour aller en course que quand ils ont six ou sept ans, et ils leur font supporter alors des fatigues incroyables (1), comme de marcher deux ou trois jours sans s'arrêter, d'en passer quatre ou cinq sans autre nourriture qu'une poignée d'herbe de huit heures en huit heures, et d'être en même temps vingt-quatre heures sans boire, etc. |
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Note c'est ce que fera Bourgelat mais les connaissances médicales de l'époque devront encore progresser |
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